La Tanzanie s’est réveillée, ce samedi 1er novembre 2025, avec l’annonce officielle de la réélection de la présidente sortante, Samia Suluhu Hassan, pour un nouveau mandat de cinq ans. Le résultat, sans appel: 97,66 % des suffrages exprimés, émane de la Commission électorale nationale après le scrutin du 29 octobre, marqué par un taux de participation estimé à 87 %. Mais au-delà de ces chiffres triomphants, c’est surtout le contexte de violences intenses durant les trois jours ayant suivi le vote qui retient l’attention, avec un bilan humain encore controversé.
Une victoire écrasante dans un paysage politique verrouillé
Candidate du parti au pouvoir, le Chama cha Mapinduzi (CCM), Samia Suluhu Hassan, qui avait accédé à la présidence en mars 2021 à la mort de son prédécesseur John Magufuli, remporte sa première élection contestée. Mais l’écrasante majorité obtenue interroge. Le principal parti d’opposition, Chadema, avait été disqualifié plusieurs mois avant le scrutin pour “non-respect du code de conduite électoral”, empêchant de fait toute concurrence politique sérieuse.
Cette absence de pluralisme, couplée à la mainmise historique du CCM sur les institutions, a conduit de nombreux observateurs à qualifier ce scrutin de “non-compétitif” voire “piloté”. Plusieurs organisations internationales évoquent ainsi un “processus électoral vidé de sa substance démocratique”, en raison de l’exclusion systématique de l’opposition, de restrictions médiatiques et d’un climat de peur.
Trois(3) jours de chaos post-électoral
Malgré les annonces officielles rassurantes, la réalité sur le terrain est tout autre. Dès l’annonce des premiers résultats partiels, de nombreux foyers de contestation ont éclaté, en particulier à Dar es Salaam, Arusha, Mwanza et Dodoma, où des manifestants dénonçaient des fraudes massives et un simulacre d’élection. La répression a été immédiate. Plusieurs témoins rapportent l’intervention de l’armée et de la police dans les rues, l’utilisation de gaz lacrymogènes, de balles réelles et même la mise en place d’un couvre-feu national improvisé pour “maintenir l’ordre”.
Le bilan de ces violences reste flou et fait l’objet de profondes divergences :
Le gouvernement minimise l’ampleur des affrontements, évoquant des “incidents isolés”. L’opposition dénonce un bain de sang, affirmant que près de 700 personnes auraient été tuées en trois jours lors de la répression des manifestations, dans ce qu’elle qualifie “d’élection sous état de siège”.
Dans ce chaos, les coupures d’internet et les restrictions sur les médias ont compliqué la documentation des violences. Les observateurs étrangers, dont la présence a été très limitée, et les organisations de défense des droits de l’homme ont exprimé leurs inquiétudes face à une situation jugée “alarmante”.
Une démocratie tanzanienne à l’épreuve
Alors que Samia Suluhu Hassan entame son nouveau mandat, la Tanzanie s’enfonce dans une crise de légitimité politique sans précédent. La nature même de ce scrutin, son déroulement et surtout sa gestion post-électorale soulèvent des interrogations profondes sur l’avenir de la démocratie dans le pays. Aux yeux de la communauté internationale, cette élection pourrait constituer un tournant autoritaire pour la Tanzanie, souvent citée comme modèle de stabilité dans la région de l’Afrique de l’Est. Le pays, hautement stratégique, pourrait faire face à des pressions diplomatiques, notamment de la part de bailleurs internationaux et d’organisations comme l’Union africaine ou les Nations unies.
La présidente réélue, particulièrement silencieuse depuis l’annonce des résultats, aura la lourde responsabilité de réconcilier un pays divisé et meurtri, s’il veut éviter la spirale d’instabilité amorcée ces derniers jours.
N’Faly Guilavogui pour Investigatorguinee

