À l’occasion du 33ᵉ anniversaire de la Haute Autorité de la Communication (HAC), célébré le 29 octobre 2025 au Palais du 25-Août à Kaloum, Boubacar Yacine Diallo, personnalité majeure du journalisme guinéen et président de la HAC, a livré un témoignage dense, lucide et nourri de mémoire sur l’itinéraire, souvent ard de la presse indépendante en Guinée.
Dans un discours mesuré, empreint d’émotion et d’exigence professionnelle, il a retracé les étapes qui ont permis à la presse nationale de se forger une place publique : combats pour la liberté d’opinion, résistances face aux pressions politiques et juridiques, et conquêtes concrètes comme l’ouverture des ondes audiovisuelles.
Une date et un tournant : la libéralisation des ondes
Parmi les repères historiques évoqués par M. Diallo, le 16 août 2005 a été désigné comme un moment charnière — date symbolique de la libéralisation des ondes en Guinée et point de départ d’un paysage audiovisuel pluraliste. Ce tournant, évoqué par plusieurs témoins et médias présents, a été présenté comme l’aboutissement d’années de lutte et de négociations entre autorités et acteurs médiatiques.
Hommages et distinctions : reconnaître les bâtisseurs
La cérémonie a rendu hommage aux pionniers de la liberté de la presse. Plusieurs satisfecits et distinctions ont été remis à des acteurs historiques — certains à titre posthume — parmi lesquels des figures reconnues pour leur rôle dans l’émergence d’un espace médiatique indépendant. Ces hommages ont ponctué la matinée et permis de réaffirmer l’importance de la mémoire collective des médias guinéens.
Réforme institutionnelle : vers une nouvelle loi sur la régulation audiovisuelle
Sur le plan institutionnel, Dr Dansa Kourouma, président du Conseil National de la Transition, a annoncé que l’examen d’une nouvelle loi organique portant création de la future Commission nationale de la communication et de l’audiovisuel est imminent. Selon lui, cette réforme doit se construire « avec les professionnels des médias » dans un dialogue tripartite réunissant parlementaires, administration et acteurs de la presse, afin de définir une régulation adaptée aux enjeux du numérique et des réseaux sociaux.

Cette perspective législative intervient dans un contexte de refondation institutionnelle et de transformation rapide du paysage médiatique : la régulation devra désormais composer avec la multiplication des plateformes numériques, la viralité de l’information et les risques de désinformation.
Contexte récent : liberté de la presse et tensions persistantes
Si la HAC célèbre aujourd’hui 33 ans d’existence, la situation des médias en Guinée reste marquée par des épisodes de tensions. Des fermetures et des restrictions de certaines radios et télévisions privées ont été notées ces dernières années, soulevant des inquiétudes sur l’espace d’expression et la capacité effective des organes de régulation à protéger la pluralité tout en garantissant l’ordre public. Ces développements constituent le contexte politique et médiatique dans lequel la HAC et la future commission devront opérer.
Interventions : le ton des autorités
Le Premier ministre Amadou Oury Bah, présent à la cérémonie, a souligné que la régulation des médias s’inscrit désormais dans un cadre stratégique et sécuritaire, explicitant l’enjeu : concilier liberté d’expression et responsabilité dans un environnement numérique en pleine mutation. Le message officiel a insisté sur la nécessité d’une autorité de régulation forte, mais construite avec les professionnels pour éviter toute instrumentalisation.
Enjeux à court et moyen terme
1. Moderniser le cadre légal pour intégrer les réseaux sociaux et les plateformes numériques dans la régulation.
2. Préserver l’indépendance éditoriale des médias tout en encadrant les abus (désinformation, discours haineux).
3. Consolider les capacités de la HAC (ou de sa future successeure) pour être à la fois réactive et respectueuse des standards internationaux de liberté de la presse.
4. Favoriser la formation et la protection des journalistes, garants du pluralisme et de la déontologie.
mémoire, vigilance et responsabilité
La commémoration des 33 ans de la HAC fut plus qu’un anniversaire : elle a été l’occasion d’un rappel solennel que la liberté de la presse est une conquête fragile, nécessitant mémoire, vigilance et une régulation répondant aux réalités contemporaines. Par son adresse claire et sans détour, Boubacar Yacine Diallo a invité responsables politiques, régulateurs et professionnels des médias à travailler de concert pour garantir que la presse guinéenne puisse continuer à jouer son rôle de contre-pouvoir et de service public.
Mohamed Saliou CAMARA pour Investigatorguinee

