Le gouvernement conduit par Sébastien Lecornu a survécu, de justesse, à une double tentative de censure à l’Assemblée nationale. Grâce à la prudente abstention du Parti socialiste, le Premier ministre conserve pour l’heure la confiance d’une majorité relative et peut entamer les débats budgétaires, cruciaux pour la stabilité du pays.
Une majorité fragile, un répit précaire.
Avec 271 voix en faveur de la motion déposée par La France insoumise (LFI), le seuil fatidique des 289 voix nécessaires à la chute du gouvernement n’a pas été atteint. Si les groupes LFI, communistes, écologistes et du Rassemblement national (RN) ont soutenu la censure, les Républicains (LR) et surtout le Parti socialiste (PS) ont choisi une posture de retenue, offrant ainsi un sursis politique au chef du gouvernement. Une seconde motion initiée par le RN n’a, elle, recueilli que 144 voix, confirmant la fragilité mais aussi la résilience du nouvel exécutif.
Le pari d’Emmanuel Macron
Cette séquence parlementaire constitue une première victoire pour le président Emmanuel Macron, qui a maintenu Sébastien Lecornu à Matignon malgré les vents contraires. Démissionnaire le 6 octobre, Lecornu avait été fragilisé par les critiques du patron de LR, Bruno Retailleau, opposé à la composition du premier gouvernement. Son retour, puis sa confirmation à la faveur du rejet des motions de censure, marquent un pari risqué mais réussi pour le chef de l’État.
Le geste d’ouverture des socialistes
Le PS a accepté de laisser sa chance au Premier ministre en échange d’une suspension de la réforme des retraites, condition sine qua non posée par son aile parlementaire. « Ce n’est en aucun cas un pacte de non-censure pour l’avenir », a prévenu Laurent Baumel, député socialiste, rappelant que la survie du gouvernement dépendra du respect strict de cet engagement. Une mise en garde claire contre toute « entourloupe » ou manœuvre dilatoire de l’exécutif.
Des oppositions irréconciliables
Face à ce fragile compromis, Aurélie Trouvé (LFI) et Marine Le Pen (RN) ont chacune dénoncé un « marché de dupes ». Pour la députée insoumise, la suspension annoncée n’est qu’un « subterfuge politique », tandis que Marine Le Pen a fustigé une droite qui, selon elle, s’est « dissoute dans le socialisme » après avoir longtemps combattu le macronisme. Elle a qualifié le projet budgétaire de « matraquage fiscal » et affirmé attendre la dissolution de l’Assemblée « avec une impatience croissante ».
Un appel au “moment de vérité”
Dans un ton mesuré mais ferme, Sébastien Lecornu a appelé les députés à un « moment de vérité entre ordre républicain et désordre », exhortant l’opposition à ne pas « prendre en otage » le budget de la Nation. Geste d’apaisement inédit, le Premier ministre a également annoncé qu’il n’utiliserait pas le 49.3 lors des débats budgétaires, un renoncement salué par une partie de l’hémicycle comme un signe d’ouverture et de respect du débat parlementaire.
Une bataille budgétaire à haut risque
Les débats budgétaires, dont le texte a été présenté mardi en Conseil des ministres, débuteront dès lundi en commission des Finances avant d’arriver dans l’hémicycle en fin de semaine. Ce projet prévoit près de 30 milliards d’euros d’efforts budgétaires, incluant des mesures d’économie jugées « inacceptables » par la gauche : gel des prestations sociales et doublement des franchises médicales.
Les Républicains, sous la houlette de Laurent Wauquiez, ont justifié leur abstention « au nom de l’intérêt national », tout en réaffirmant leurs « désaccords profonds ». Chez les socialistes, plusieurs députés ultramarins se sont abstenus, dénonçant le « désamour » du gouvernement pour les territoires d’outre-mer.
Un équilibre instable
Les prochaines semaines s’annoncent décisives. Le PS, par la voix d’Olivier Faure, a promis de mener une bataille pour corriger un budget jugé injuste, tandis que Mathilde Panot (LFI) a exhorté les socialistes à « rompre les rangs » avec la direction du parti. Le député RN Jean-Philippe Tanguy, quant à lui, a promis une opposition « article par article, amendement par amendement » pour défendre « les Français contre l’austérité ».
Même au sein de la majorité, la cohésion semble fragile. Le chef de file d’Horizons, Paul Christophe, a mis en garde : « Nous ne voterons pas n’importe quoi. Nous n’avons aucunement l’intention de renier nos valeurs. »
En somme, Sébastien Lecornu a remporté une bataille, non la guerre. Son gouvernement sort renforcé à court terme, mais reste suspendu à la moindre fracture au sein d’une Assemblée divisée. Dans cette atmosphère de méfiance contenue et d’équilibres précaires, la France entame une session budgétaire où chaque voix pèsera lourdement sur l’avenir du quinquennat.
N’Faly Guilavogui pour Investigatorguinee

