La coalition politique de l’opposition dénommée Alliance Nationale pour l’Alternance et la Démocratie (ANAD), traverse une zone de turbulences. Après la suspension de l’UFDG, son principal pilier, pour une durée de 90 jours, un nouveau coup dur vient de la secouer, le départ du RPR de Diabaty Doré. Si ce dernier justifie sa démission par la nécessité de préparer son parti aux prochaines échéances électorales, la direction de l’ANAD, elle, se veut rassurante et affirme que la coalition survivra à ces secousses.
« Il ne faudrait pas qu’on commette les mêmes erreurs qu’en 2020 »
Dans un entretien exclusif accordé à nos confrères d’Africa Guinée, le président du RPR a expliqué les raisons de sa rupture avec l’ANAD. Selon lui, rester dans la coalition risquait de priver son parti de perspectives électorales concrètes. « Nous nous sommes battus avec nos amis de l’ANAD, mais il faut être réaliste. Le processus électoral est déjà enclenché, avec le référendum en vue. En 2020, l’ANAD avait boycotté les législatives alors que l’UFDG participait à la présidentielle. Il ne faudrait pas que nous commettions les mêmes erreurs », a averti Diabaty Doré.
Pour lui, cette décision n’est pas un reniement de ses engagements passés, mais un choix stratégique pour l’avenir : « Nous sommes un jeune parti. Nos fédérations nous demandent de nous préparer à obtenir des élus, des maires, des députés… et peut-être demain un candidat à la présidentielle. Cette décision est donc dictée par la base. »
L’ancien allié de Cellou Dalein Diallo assure toutefois que son retrait ne met pas fin à leurs relations personnelles : « J’ai longuement échangé avec le président de l’ANAD avant d’annoncer ma décision. Cela n’a rien à voir avec notre amitié. C’est un choix du parti, pour son avenir. »
« L’ANAD ne disparaîtra pas »
De son côté, Dr Edouard Zotomou Kpoghomou, président de l’UDRP et vice-président de l’ANAD, relativise cette démission et réaffirme la solidité de la coalition. « Nous savons que l’ANAD est une structure flexible. Les partis y gardent leur autonomie. Si le RPR estime que ses intérêts ne sont plus garantis, nous ne pouvons que prendre acte. C’est le propre de toute coalition », a-t-il déclaré.
Tout en reconnaissant que ces départs successifs créent des secousses, il estime que l’essentiel demeure : « L’ANAD est fondée sur des valeurs cardinales. Tant que ces valeurs subsistent, je suis convaincu que l’ANAD ne disparaîtra pas. »
Pour Dr Zotomou, la force d’une coalition ne réside pas uniquement dans le nombre de partis qui la composent : « Dans une coalition, ce n’est pas tant la quantité qui compte, mais la conviction. Même avec un ou deux éléments déterminés, on peut accomplir beaucoup. »
Il balaie également les accusations de radicalisme parfois adressées à l’ANAD : « Nos positions sont une réponse aux décisions unilatérales du pouvoir. On ne peut pas dire que seule l’opposition est radicale. Le gouvernement et le CNRD adoptent aussi des postures rigides. Notre rôle est de défendre l’intérêt général. »
Un climat d’incertitude
Entre une partie de ses membres qui prônent la participation aux prochaines échéances et une direction qui insiste sur la cohésion et la fidélité aux valeurs fondatrices, l’ANAD fait face à un défi existentiel. Le départ de Diabaty Doré sonne comme une alerte, mais les responsables de la coalition assurent rester unis autour de leur projet politique.
Quelles leçons pour la transition guinéenne ?
Ces divergences traduisent une réalité plus large : la fragilité structurelle des coalitions politiques en Guinée. Fondées sur des alliances conjoncturelles, elles peinent à résister à la pression des calendriers électoraux et aux stratégies de repositionnement des partis.
Le départ du RPR illustre une tendance : chaque formation cherche à maximiser ses chances dans un contexte d’incertitude. Pour certains, rester dans une coalition jugée trop rigide ou « boycottiste » comporte le risque d’être marginalisé dans le jeu électoral. Pour d’autres, comme Dr Zotomou, maintenir le cap de l’unité est indispensable pour peser face au CNRD.
Cette fracture met également en lumière la stratégie du pouvoir : en multipliant les suspensions, en alimentant les divisions ou en accélérant un calendrier électoral controversé, il fragilise les fronts communs de l’opposition. Le cas de l’UFDG suspendue, ajouté au départ du RPR, affaiblit l’ANAD et relance le spectre d’une opposition éclatée, comme en 2020.
Reste une question essentielle : l’opposition guinéenne saura-t-elle tirer les leçons du passé ? « Il ne faudrait pas qu’on commette les mêmes erreurs qu’en 2020 », prévient Diabaty Doré. Mais sans une cohésion retrouvée, les risques de dispersion et d’échec collectif demeurent.
Une Analyse de Gaspard Koïkoï pour Investigatorguinee
