Martin Luther King disait : ” l’injustice commise quelque part, est une menace pour la justice partout “.
Peut-on laisser une décision de justice manifestement injuste produire ses effets dans l’espace et dans le temps ?
En République Démocratique du Congo les prisons étaient surpeuplées. Les pensionnaires, ou prisonniers, mouraient par centaines. Des maladies contagieuses se propagent comme une épidémie. Des prisonniers paralysés au quotidien.
Le pays est attaqué par les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda voisin de Paul Kagamé.
Les Kuluna, un groupe de bandits redoutables sèment la terreur partout.
Le Président de la République, Félix Tshisekedi était sur tous les fronts diplomatiques pour sauver son peuple. L’armée au front mais irrésistible face à l’adversaire lourdement armée. Seul contre tous, le jeune Ministre de la Justice Constant Mutamba est resté vent debout. L’urgence était donc palpable partout.
Le 8 novembre 2024, lors de la 21 réunion du conseil des ministres, il présenta deux notes d’information relatives à la construction des maisons d’arrêt et des prisons ainsi que le projet de construction d’une grande maison d’arrêt à Kinshasa.
Sur instructions du Président de la République, reprise par Madame la Première Ministre, une commission créée à cet effet proposa en urgence la construction de cinq nouvelles prisons modernes et la réhabilitation de celles existantes dans un délai de 12 à 24 mois au maximum.
Au ministère de la justice, une cellule de gestion des projets et des marchés publics sera créée par le Garde des Sceaux. Messieurs Ewi, MMI et ELO agissant au nom de cette cellule, engageront des négociations avec la société attributaire AA SARL, représentée par Mme BB et Mr TT.
L’attribution du contrat devrait être assortie de l’accord de la DGCMP qui, dans un premier temps refusé, estimant que le motif évoqué par le Garde des Sceaux ne cadrait avec aucun des cinq cas limitativement prévus par l’article 42 de la loi numéro 10/010 du 27 avril 2010 relatif aux marchés publics ; que la source de financement n’était pas indiquée ; les procès-verbaux des discussions engagées avec les différents candidats consultés et les négociations réalisées avec la société attributaire retenue par le gré à gré n’étaient pas annexés au dossier en violation du décret portant manuel de procédure des marchés publics ; que le devis de la société précitée ne prenait pas en compte la TVA…
Le 19 février 2025, le Garde des Sceaux renouvelle sa demande qui sera agréée le 26 février 2025, motif pris de l’urgence pour un coût global de 39.877.067,96 USD hors taxe.
Le contrat est conclu avec la société suscitée au coût de 29.900.000 USD hors taxes et taxes à valeur ajoutée.
Le 1er avril 2025, le projet de contrat est transmis à la Première Ministre.
Par lettre du 14 avril 2025, relative aux modalités d’utilisation des fonds destinés à la construction de la prison de KIS, il sera demandé à la gérante de la société AA SARL d’ouvrir un compte bancaire séquestre auprès de la banque B1 où sont logés les fonds sur lesquels sera débité, sur instructions du Garde des Sceaux, le montant de 19.900.000 USD au profit de la société AA SARL pour le démarrage des travaux.
Le 17 avril 2025, sur déclaration de soupçon de la banque, l’officier de police judiciaire et de la CENAREF, procédera à la saisie du compte suscité.
Le Ministre sera entendu sur procès-verbal et déféré au parquet général de la cour de cassation après avoir démissionné de son poste de Garde des Sceaux, Ministre de la Justice suite au vote des sénateurs.
L’article 145 du Code Pénal de la République Démocratique du Congo prévoit que toute personne qui, sciemment et de quelque manière que ce soit, dissimulé ou cache les biens détournés, y compris certains biens du coupable, dans le but de les faire échapper à la confiscation, sera punie des peines prévues aux articles précédents (1 à 10 ans de travaux forcés).
En son audience du 02 septembre 2025, la cour de cassation rendait l’arrêt dont la teneur suit :
<< la cour : dit établi l’infraction de détournement de deniers publics mise à la charge de Constant Mutamba TUNGUNGA;
Le condamne à 3 ans de travaux forcés ;
Prononce en outre contre lui les peines complémentaires ci-après :
L’interdiction pour cinq ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité ;
L’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon ;
La privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation ;
Ordonne la mainlevée de la saisie, la restitution du montant de 19.900.000 USD et leur extourne dans les comptes du ministère de la justice.
Le condamne aux frais d’instance.>>
Cet arrêt soulève plusieurs questions d’ordre juridique et politique :
Sur le plan juridique : l’infraction de
détournement de deniers publics est une infraction qui intéresse plusieurs maillons, dont l’Ordonnateur Général, l’Ordonnateur Principal, le contrôleur financier, le DAAF ou le SAF selon le cas et même le bénéficiaire.
Dans le cas soumis à débat l’on est en droit de se poser la question de savoir pourquoi seul Constant Mutamba Tungunga est dans le box❓️
Pourquoi l’officier de police judiciaire ne s’est-il pas intéressé aux sieurs Ewi, MMI et ELO, qui ont représenté la cellule de gestion des projets et des marchés publics du ministère de la justice et qui ont fait des pourparlers avec la société AA SARL ?
Pourquoi Mme BB et Mr TT représentants la société AA SARL, bénéficiaire du fonds incriminé et dans les comptes de laquelle ont été logés ceux-ci n’ont jamais été inquiétés ❓️
Pour plus de clarté dans la définition de l’infraction de détournement de deniers publics, nous nous sommes référés à la définition donnée par le législateur français :
Pour le législateur français, le détournement de fonds publics est le fait pour un agent public d’utiliser des fonds ou objets lui ayant été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission, à des fins autres que celles pour lesquelles ils lui avaient été remises.
À travers cette définition l’on se pose l’autre question de savoir est-ce qu’au moment de la saisie et de l’interpellation du Ministre Constant Mutamba, on pouvait raisonnablement conclure à la consommation de l’infraction ❓️
Il revient aux magistrats de la cour de cassation de répondre à ces questions devant les hommes et devant Dieu qu’ils représentent ici-bas.
Sur le plan politique : Constant Mutamba est une figure emblématique de la sphère politique en RDC.
Après avoir quitté la mouvance présidentielle de Kabila, il a créé son parti, le Dynamique Progressiste Révolutionnaire (DYPRO), qui arrivera 6ème aux élections présidentielles qui ont vu le Président Félix Tshisekedi accéder au pouvoir.
Nous avions également vu Constant Mutamba en face de l’ambassadeur de France en RDC et le ton avec lequel il s’adressait à ce dernier. Nous nous rappelons du sort du capitaine Moussa Dadis CAMARA, président de la transition en République de Guinée en 2009 après avoir déclaré au représentant de l’union européenne d’alors : <<la Guinée n’est pas une sous-préfecture de la France. >>
Ce qui révolte dans cet arrêt, c’est la peine infligée et surtout celles dites complémentaires notamment l’inéligibilité et la privation du droit de vote cinq après avoir purgé la peine de 3 ans de travaux forcés ; l’interdiction la libération conditionnelle et à la réhabilitation.
Pour s’en apercevoir du calcul politique derrière cette décision, rappelons que les élections présidentielles auront lieu en 2028, d’où les peines complémentaires pour éliminer un adversaire politique devenu plus que jamais populaire dans le pays et au-delà.
Cette affaire nous rappelle celle en France, du capitaine Alfred Dreyfus, un officier juif, accusé à tort de trahison pour espionnage au profit de l’Allemagne.
Dreyfus sera condamné sur des preuves falsifiées et sera déporté sur l’Île du Diable.
Une crise politique et sociale majeure secoua alors la Troisième République française. Le pays sera divisé entre les dreyfusards, défendant la justice et les droits de l’homme, et les antidreyfusards. Grâce à des personnalités comme Émile Zola et le Colonel Picquart, qui identifient le vrai coupable, Dreyfus est finalement réhabilité et réintégré dans l’armée en 1906.
[Ce procès nous rappelle en outre celui de la triple accusation de Socrate par trois Athéniens, Mélétos, Lycon et Anytos, de ne pas reconnaître les dieux de la cité, d’introduire de nouvelles divinités et de corruption de la jeunesse.
Il se défend, mais malgré ses arguments, les juges athéniens votèrent pour sa condamnation à mort par 281 voix contre 278.
Un procès aussi biaisé par la passion et la politique. Le procès et la mort de Socrate nous appellent à privilégier la justice et l’intégrité morale à toute autre chose.
Le Coran et la Bible ne contiennent-ils pas des versets qui incitent à respecter l’autorité et la justice ? Donc les dirigeants et les juges appliquent la loi divine sur leurs semblables ici-bas. Mais Dieu à assorti cette obéissance de la condition que leurs actes soit en conformité avec sa justice.
La bible dit que la justice élève une nation tandis que le péché, l’injustice et la mauvaise conduite honteuse affaiblissent et discréditent un peuple.
Sois juste fort CONSTANT, ce n’est pas encore fini.
Maître David BEAVOGUI
Avocat au Barreau de Guinée

