Taliby Dabo : fuite, double discours et manipulation de l’opinion? (Par N’Faly Guilavogui)

La dernière sortie médiatique de Taliby Dabo, ancien cadre du RPG-Arc-en-Ciel désormais proche du CNRD, concernant la disparition de figures du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), a provoqué une onde de choc sur les réseaux sociaux et dans le paysage politique guinéen.

En affirmant que Foniké Menguè et ses compagnons sont « bien vivants », il a remis au centre de l’actualité nationale et internationale un dossier ambarassant, jusqu’ici marqué par le silence et l’incertitude. Par cette déclaration, il coupe l’herbe sous les pieds des autorités judiciaires sur un sujet devenu une véritable patate chaude dans les mains de ces dernières.

Loin d’apaiser les inquiétudes, cette sortie publique a plutôt ravivé les doutes et alimenté les spéculations depuis 48h. En affirmant que ces activistes « mangent, s’habillent, dorment et suivent l’actualité », Taliby Dabo reconnaît implicitement qu’ils sont détenus quelque part. Pourtant, il s’abstient de révéler où et dans quelles conditions? Ce qui soulève de sérieuses interrogations sur l’existence d’une détention secrète, pratique contraire aux principes de l’État de droit et aux conventions internationales ratifiées par la Guinée.

Cette ambiguïté constitue une reconnaissance implicite de ce que dénoncent depuis des mois les organisations de défense des droits humains, la disparition forcée et la privation de liberté en dehors de toute procédure judiciaire. Cette lecture de M. Dabo est à la fois un test et un défi majeur pour l’appareil judiciaire qui devrait être la boussole pour tout un chacun.

Sa justification qui invoque des « raisons de sécurité nationale », révèle un choix stratégique et idéologique pour di- il, privilégier la stabilité politique au détriment des droits et libertés fondamentaux. Un tel argument traduit une vision utilitariste de la gouvernance où la neutralisation d’acteurs politiques est présentée comme un instrument de pacification sociale. Dans ce contexte, il ne s’agit plus seulement de droits humains, mais d’une communication politique visant à légitimer une stratégie sécuritaire contestée. Mais cette dernière fait- elle unanimité? Dans son narratif, il n’a pas répondu à cette interrogation.

M. Dabo va plus loin en politisant son sujet. Il qualifie Foniké Menguè et Cie de « bras armés » de l’UFDG, principal parti d’opposition. Ce glissement rhétorique transforme un dossier universel de droits humains en un enjeu partisan. En associant les militants du FNDC à un adversaire politique majeur, il contribue à justifier leur maintien au secret et tente de retourner l’opinion publique contre eux. Cette manœuvre communicationnelle vise à redéfinir les termes du débat, en faisant passer une violation des droits pour une mesure de sécurité nationale et de stabilité politique.

D’un point de vue strictement communicationnel, la stratégie de Taliby Dabo s’inscrit dans une logique de double discours. D’un côté, il rassure les familles et les citoyens en confirmant que les disparus sont vivants. De l’autre, il entretient volontairement le flou autour de leurs conditions exactes de détention et de l’absence de toute procédure judiciaire. Ce positionnement ambigu lui permet d’occuper un rôle central dans la narration politique et médiatique, tout en protégeant les autorités de l’embarras d’une communication officielle.

La diffusion de son message via Facebook et certaibs médias en ligne illustre aussi l’usage des réseaux sociaux comme outil de communication directe et de contournement des canaux traditionnels, ce qui permet d’amplifier la portée du discours et de tester les réactions de l’opinion. Mais cette parole publique ne peut masquer les contradictions profondes qu’elle révèle.

Sur le plan social, elle alimente davantage la méfiance et la frustration. Si l’annonce de la survie des militants peut soulager un temps leurs familles, l’absence de transparence sur leur situation renforce l’angoisse. Sur le plan politique, elle apparaît comme une tentative habile de légitimer les stratégies sécuritaires du CNRD et de neutraliser l’opposition en justifiant la mise au secret de ses figures les plus influentes. Sur le plan juridique, elle constitue une reconnaissance implicite d’une détention illégale, incompatible avec les engagements internationaux de la Guinée.

Les dernières informations liées à cette sortie révèlent par ailleurs une autre dimension : Taliby Dabo, tout en prétendant être en déplacement à Kankan, aurait pris la fuite pour éviter d’assumer pleinement les conséquences de sa déclaration. Ce paradoxe entre son discours officiel et son attitude réelle accentue l’impression d’un double langage et jette une lumière crue sur les contradictions d’un acteur qui cherche à influencer l’opinion tout en se dérobant à ses responsabilités politiques. En brouillant ainsi les repères entre vérité et manipulation, transparence et opacité, sa communication apparaît davantage comme une fuite en avant que comme un acte de courage politique.

Donc, la sortie de Taliby Dabo illustre parfaitement l’articulation entre stratégie politique, communication et contrôle de l’information. Elle montre comment une parole publique peut être utilisée pour rassurer tout en manipulant, légitimer tout en dissimulant, influencer tout en fuyant ses responsabilités. Cette affaire soulève une question de fond pour l’avenir de la Guinée. Comment concilier ce qu’il appelle la sécurité nationale et la stabilité politique avec le respect des libertés individuelles et des droits humains et fondamentaux ? La crédibilité du jeu politique dépendra de la réponse qui sera donnée à cette interrogation. Car une gouvernance durable et respectée ne peut accepter la théorie de M. Dabo, c’est à dire le mensonge, l’opacité et la manipulation, en lieu et place de la vérité, la transparence et la responsabilité des acteurs politiques devant le peuple.

N’Faly Guilavogui, Journaliste Éditorialiste politique, Analyste politique, Mastérant en Communication Politique et publique, DIC pour Investigatorguinee.com