Dans un moment où l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) s’emploie à raffermir ses structures et à resserrer ses rangs face aux incertitudes de la transition, la démission dite “soudaine” de Dr Ismaël Doukouré, Secrétaire Général du Comité National des Jeunes, résonne comme un coup de tonnerre.
Depuis Abidjan, où il se trouvait, l’intéressé a adressé à Cellou Dalein Diallo une lettre brève, évoquant de simples « raisons personnelles », affirmant vouloir désormais se consacrer à sa famille, à sa carrière et à ses engagements associatifs, tout en restant au service de la Guinée. Une formulation mesurée, qui dissimule sans doute des arbitrages plus complexes et qui, dans la lecture politique, ne saurait être réduite à un simple retrait individuel.
Ce départ, qui surprend jusque dans les cercles les plus proches de la direction, intervient dans un contexte délicat où le parti, privé de la présence physique de son leader exilé, concentre ses efforts sur la consolidation de son ancrage territorial et la mobilisation de ses bases. L’étonnement de Kalémodou Yansané, vice-président de l’UFDG et compagnon de route du désormais ex-responsable de la jeunesse chez nos confrères du site Africa Guinée, traduit bien la stupeur interne : « Il n’y avait pas de malaise, il était actif, engagé à nos côtés. Je n’ai rien vu venir. » Une telle rupture, survenant sans signes préalables, peut être interprétée comme un signal d’alerte sur les fragilités organisationnelles qui guettent tout mouvement politique placé sous forte pression externe.
En politique, et plus encore dans le climat tendu de la transition guinéenne, la jeunesse constitue bien plus qu’un simple vivier militant. Elle est la force d’impact sur le terrain, le relais de mobilisation dans les quartiers et fiefs, la caisse de résonance des mots d’ordre du parti, et souvent l’élément déclencheur de l’occupation symbolique de l’espace public. La perte, même volontaire et pacifique, de son chef dans une telle conjoncture ne pouvait rester sans réponse rapide. C’est pourquoi la direction du parti de Kötö Cellou, comme une pierre jetée dans son jardin, a aussitôt désigné Alpha Tess Diallo pour reprendre le flambeau. Figure montante issue de l’axe Bambéto-Cosa, réputé pour son sens du terrain et son énergie militante, devra incarner à la fois la continuité et la volonté de renforcer la ligne combative du parti.
En effet, derrière ce changement se cache une double lecture. La démission de Dr Doukouré, même motivée par des raisons personnelles, agit comme un séisme interne en politique. Elle crée un vide à un poste stratégique, nourrit les spéculations et, dans un contexte de compétition politique, offre une opportunité aux adversaires de semer le doute sur la cohésion du parti. Les partis d’opposition, soumis à la fois aux contraintes de la transition et à la concurrence entre eux, même de façade, savent que chaque départ de cadre visible peut fragiliser l’élan collectif.
Ainsi, la nomination immédiate d’Alpha Tess Diallo est alors un acte de gestion de crise interne à part entière. Sur le plan politique, elle envoie un message de maîtrise et de continuité, “Comme pour pas de panique, ni de feux au lac”. L’UFDG ne laisse aucun espace à la vacance du pouvoir, même à l’échelle de ses structures internes. Sur le plan stratégique, elle rassure la base militante en plaçant un visage familier et apprécié à la tête de la jeunesse, ce qui limite les risques de démobilisation ou de débauchage. Sur le plan de la communication politique, elle permet de cadrer le récit médiatique, transformer un événement potentiellement négatif en une preuve de réactivité et de discipline organisationnelle.
Le choix des mots dans les déclarations officielles « prendre le flambeau », « maintenir la flamme » n’est pas anodin notamment sur les réseauxsociaux depuis que le sujet occupe l’espace public. Il s’agit d’un langage politique qui évoque la continuité historique et idéologique. L’idée que le départ d’un homme ne met pas fin à la mission collective, et que chaque responsable est un maillon dans une chaîne plus vaste que lui. Ce discours, habilement construit et orchestré vise à minimiser toute impression de rupture brutale, de vide et à préserver la perception d’un parti uni face à l’adversité.
Dans le contexte particulier de la transition guinéenne, où les rapports de force sont mouvants, où l’espace médiatique est étroitement disputé même sans débat contradictoire, et où l’opposition doit se battre pour exister, chaque geste compte. La démission de Doukouré et la nomination d’Alpha Tess ne sont pas de simples faits divers internes. Ils illustrent la capacité ou l’incapacité d’un parti à absorber les chocs, à s’adapter et à rester maître de son image. En politique, la rapidité et la manière dont on réagit à un imprévu peuvent peser autant que le programme ou le discours officiel.
Ainsi, Alpha Tess Diallo hérite d’une mission qui dépasse largement la gestion quotidienne du Comité National des Jeunes. Il doit préserver l’élan militant, consolider la présence du parti sur le terrain et continuer à incarner, auprès de la jeunesse, la promesse d’un avenir politique alternatif. Dans cette bataille d’endurance, où la perception publique peut faire basculer l’équilibre des forces, sa capacité à maintenir la flamme pourrait peser lourd dans les échéances à venir.
N’Faly Guilavogui pour Investigatorguinee

