13 décembre 1998, 13 décembre 2024 : cela fait exactement 26 ans qu’un drame épouvantable a secoué le Burkina Faso et laissé une cicatrice indélébile dans la mémoire collective. Ce jour-là, un commando dépêché à Sapouy, sous les ordres de François Compaoré, frère cadet du dictateur Blaise Compaoré, assassinait sauvagement le journaliste d’investigation Norbert Zongo et trois de ses compagnons : Blaise Ilboudo, Ablassé Nikiéma et Ernest Zongo.
Non content de les tuer, ce commando a brûlé, calciné leurs corps, comme pour s’assurer qu’ils ne puissent jamais être sauvés, et c’était également une tentative macabre d’effacer d’éventuelles preuves et traces d’un crime aussi ignoble qu’abominable. Le Crime de Norbert Zongo ? Avoir eu le courage d’enquêter sur les circonstances mystérieuses entourant la mort de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, surnommé à l’époque “le petit président”. David avait été torturé à mort sur ordre de ce dernier pour le contraindre à avouer la disparition d’une importante somme d’argent destinée à l’une des maîtresses ivoiriennes de François. Il n’en savait apparemment rien, car nul ne pouvait résister aux “manœuvres” de ces militaires du “Conseil” où l’étudiant en 7ème année de médecine, Dabo Boukary, y a perdu la vie dans les mêmes conditions atroces. Mais le cas de ce dernier est une autre histoire…
Aujourd’hui, François Compaoré, exilé en France depuis la chute du sanguinaire Blaise Compaoré en octobre 2014, continue de bénéficier d’une impunité scandaleuse.
Malgré de multiples demandes d’extradition formulées par la justice burkinabè, Paris oppose des manœuvres juridiques dilatoires pour le protéger (évidemment, les souvenirs des djembés d’argent de Blaise Compaoré s’effacent difficilement), transformant ainsi la France, pays dit des droits humains, en un sanctuaire pour criminels recherchés.
Je garde un souvenir profondément ému de Norbert Zongo, un homme d’une intégrité et d’un courage exemplaires. J’ai eu l’honneur de collaborer souvent avec lui, et il était presque un voisin de quartier avec qui j’avais des échanges d’ordre idéologique notamment. Sa sœur, une sage-femme dévouée, était très proche de ma famille. Norbert avait d’ailleurs une manière singulière de rendre hommage à ses proches : il utilisait les initiales du prénom de cette dernière et de son époux, un policier — GR ou RG, pour Georgette Rouamba —, pour signer certains de ses articles. Sur la photo à gauche, Madame Georgette Rouamba née Zongo au micro, à côté du buste érigé en l’honneur du journaliste, symbole d’un héritage journalistique et humain inestimable. Sa quête inlassable de vérité et de justice, même au péril de sa vie, reste une source d’inspiration pour des générations entières de journalistes et de défenseurs des droits humains.
Norbert n’est pas mort en vain. Sa mémoire continue de hanter ses bourreaux et de galvaniser ceux qui, comme lui, refusent de plier face à l’injustice. Que son sacrifice nous rappelle que la vérité, même étouffée temporairement, finit toujours par triompher. Requiescat in pace, Norbert Zongo. Ton combat est aussi le nôtre !
Par Abdoulaye Sankara, Journaliste