Depuis Lomé, l’ancien président de la transition burkinabè a adressé un courrier à son successeur, Ibrahim Traoré, dans lequel il s’inquiète de la dégradation de la situation sécuritaire.
Dans un courrier daté du 1ᵉʳ juillet et que Jeune Afrique a pu consulter, s’est adressé à celui qui l’a renversé, le capitaine Ibrahim Traoré. Depuis son départ du pouvoir après le coup d’État du 30 septembre 2022, il s’est exilé au Togo voisin, où il vit en résidence surveillée à Lomé.
Paul-Henri Sandaogo Damiba rappelle son attachement à son pays, ainsi que le fait que le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), qu’il a créé, n’avait pas vocation à être une structure pérenne. « J’ai personnellement exigé d’acter sa suppression dès la mise en place effective des organes de la transition que je conduisais », souligne-t-il.
« L’échec de la stratégie du tout militaire »
Il revient également, dans sa lettre de cinq pages, sur les raisons qui ont motivé le coup d’État qu’il a mené contre le président Roch Marc Christian Kaboré, en janvier 2022. « Nous [voulions] voir le pays s’apaiser, les attaques contre les détachements et les convois se réduire, les souffrances des militaires et des populations civiles s’amenuiser. Vous savez bien que je n’ai été manipulé par personne, ni par les partis intérieurs, ni par les forces extérieures », écrit-il.
Et il ajoute : « Je ne veux pas et je ne dois pas garder le silence face à l’amère réalité de la situation de mon cher pays. Devant tant de victimes civiles et militaires et face à l’échec de la stratégie du tout militaire, je m’impose le devoir de vous demander une énième fois, que si le même amour pour le pays vous anime, de ne point laisser l’aveuglement et la surdité avoir raison de vous. »
L’émissaire Faure Gnassingbé
« Si j’ai été aux avant-gardes pour fustiger la gestion de la question sécuritaire sous le président Kaboré, Dieu lui-même ne me pardonnerait guère de garder le silence face aux exactions contre les civils, aux attaques multiples contre les cantonnements et les bivouacs de l’ensemble des forces engagées, et face aux violations des droits civils élémentaires qui ont cours à l’encontre des personnes civiles et militaires poursuivies et opprimées », insiste-t-il.
Selon l’Organisation des Nations unies pour les réfugiés, plus de 2 millions de Burkinabè sont des déplacés internes, et environ 6,3 millions ont besoin d’aide humanitaire. Ces dernières années, on assiste à une multiplication des violences à l’égard des civils, ainsi qu’à un rétrécissement des droits et de la liberté de la presse. Plusieurs personnalités politiques ou de la société civile qui se sont montrées critiques à l’égard de la gestion du pays sont portées disparues ou ont été envoyées au front.
C’est grâce aux autorités togolaises, et notamment à son président, Faure Essozimna Gnassingbé, que Paul-Henri Sandaogo Damiba avait déjà fait parvenir une première lettre au nouveau maître de Ouagadougou, en mars 2023. Il avait, à cette occasion, exprimé sa volonté de retrouver sa famille au pays.
Jeune Afrique

