Qu’est-ce qu’un père et grand-père de 72 ans peut perdre en 24 mois ? Pour mon père, l’Honorable Amadou Damaro Camara, la liste est déchirante. Il a manqué les mariages de deux de ses filles, la naissance de deux de ses petits-enfants, ainsi que de nombreux moments de deuil familial et de réconfort auprès des siens en temps difficiles. Mais surtout, il a été privé de ses suivis médicaux vitaux et de ses traitements. Le plus douloureux reste la perte de sa liberté et de son indépendance, ressentie non seulement par lui-même mais aussi par de nombreux Guinéens qui comptent sur sa présence pour les guider et les soutenir.
Tout a basculé le 28 avril 2022, pendant les dernières nuits du Ramadan, lorsque mon père, l’Honorable Amadou Damaro Camara, ancien président de l’Assemblée nationale et figure hautement respectée dans l’arène politique guinéenne, a été brusquement arrêté. Il se retrouve confronté à la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF), dans un système judiciaire déterminé à le maintenir derrière les barreaux, malgré l’absence de preuves tangibles. Il a été accusé de détournement de quinze milliards de francs guinéens destinés à la construction du futur siège du Parlement guinéen.
Cependant, cette somme était méticuleusement comptabilisée : six milliards se trouvaient sur le compte de l’Assemblée nationale, tandis que les neuf milliards restants ont été retrouvés jusqu’au dernier sou avec des preuves irréfutables.
La CRIEF, agissant dans un système injuste, détient le sort d’un homme qui a énormément contribué à sa nation. Malgré deux ans de détention et de procédures judiciaires, aucune preuve concrète n’a été présentée pour étayer les accusations portées contre lui. Pendant ce temps, il est derrière les barreaux, tandis que ses proches ressentent le poids d’accusations injustes et d’un système déterminé à le maintenir en prison à tout prix.
Pour un homme qui a consacré sa vie à servir son pays et sa communauté, l’injustice de son incarcération est particulièrement amère. L’Honorable Amadou Damaro Camara n’est pas simplement une figure publique ; il est un pilier de force et de sagesse pour tous ceux qui le connaissent vraiment. Son absence laisse un vide qui ne peut être comblé, tant au sein de notre famille que dans la communauté plus large.
En tant que son fils, j’ai vu de mes propres yeux le tribut que cette épreuve a pris sur mon père. J’ai vu sa déception dans un système où il avait placé tant d’espoir, ressenti la frustration dans sa voix lorsqu’il raconte les retards interminables et les revers dans cette affaire. Mais malgré tout, il est resté résolu, sa foi en la justice divine inébranlable même dans les moments les plus sombres.
Les efforts pour obtenir sa libération ont été accueillis avec résistance à chaque tournant. Malgré de multiples ordonnances judiciaires exigeant sa libération, le procureur de la CRIEF s’oppose obstinément à sa libération, prolongeant ainsi son incarcération injuste.
Comme il nous l’a toujours enseigné, nous refusons d’être réduits au silence ou intimidés par les forces qui nous sont opposées. Nous sommes convaincus que ce n’est pas seulement une bataille juridique, mais plutôt politique. Néanmoins, nous continuerons à nous battre pour la liberté de mon père.
Nous croyons que la justice divine rendra des comptes à ceux qui cherchent à lui refuser justice. Nous appelons tous ceux qui croient en l’équité et la décence à se tenir solidaires avec nous, à prêter leur voix à notre cause et à nous aider à ramener mon père chez lui, là où il devrait être.
En fin de compte, il ne s’agit pas seulement de la liberté d’un homme – il s’agit des principes fondamentaux de justice et d’équité qui sont le socle de toute société civilisée. L’affaire de mon père est un test de notre humanité collective, un rappel que la lutte pour la justice n’est jamais facile mais toujours précieuse à la fin.
Par Abdel Damaro Camara