Le sous-secrétaire d’Etat adjoint pour l’Afrique de l’Ouest au département d’Etat américain achève un séjour en Guinée au terme duquel il a rencontré certains membres du gouvernement dont le ministre des postes, télécommunications et de l’économie numérique, par ailleurs porte-parole du gouvernement. Dans cette interview qu’il a accordée à nos confrères du site Africa Guinée, Ousmane Gaoual Diallo révèle les quintessences du tête-à-tête qu’il a eu avec le diplomate américain.
“On a évoqué des questions économiques. Je pense que c’est ce qui devrait être le cœur de sa mission ici. Explorer les différentes possibilités qu’il y a à développer les relations commerciales avec les entreprises américaines, se réjouir du fait qu’une entreprise américaine s’est adjugé un marché par appel d’offre. Et puis, au pays ils ont tout un éventail de possibilités qu’ils peuvent apporter dans les secteurs des technologies : -data center, backbone, cloud-, en mettant en avant les entreprises américaines.
Nous avons exprimé nos attentes, et, nous avons marqué notre approbation pour répondre à une invitation des sociétés américaines en Californie au courant du mois de février devant lesquelles nous allons montrer les perspectives de développement des technologies qu’il y a en Guinée lors de ce séjour que je vais conduire avec des cadres de mon département. Ensuite, nous avons pris la parole pour montrer le potentiel qui existe dans le secteur de la technologie avec les nécessités d’investissement qui sont là.
Ils ont évoqué la restriction sur les réseaux sociaux. J’ai pris la parole pour dire qu’il ne faut pas confondre la restriction des réseaux sociaux et l’internet. Aujourd’hui, tout le monde peut aller naviguer sur les sites internet, envoyer et recevoir des mails sans VPN.
Les réseaux sociaux ont des impacts économiques sur nos investissements, et dire que quelqu’un à un moment donné doit nous payer. J’ai montré que le gouvernement américain prélève des sources sur les entreprises qui sont les éditeurs de ces logiciels (Facebook, WhatsApp, Instagram du groupe Meta, You tube etc) pour faire face aux nécessités d’agrandissement de leurs infrastructures. C’est la même chose que l’Europe fait en prélevant près de 30 milliards de dollars en dehors de toute imposition fiscale de ces sociétés-là pour faire face aux besoins.
L’Afrique est abandonnée sur ces chantiers alors que les gouvernements africains paient des gros montants pour développer les autoroutes de l’information qui sont très vites saturés par la très grande utilisation de ces applications et que personne paie. J’ai dit qu’on était ouverts à des discussions, nous avons annoncé une rencontre prochaine avec Microsoft et des représentants d’Amazone qui vont venir discuter avec nous. Nous allons évoluer dans ce sens-là et voir comment tout cela peut être diligenté.
Nous avons montré économiquement ce que cela pèse sur l’économie guinéenne de mettre à jour régulièrement l’infrastructure qui ont un apport très maigre aux recettes de l’Etat.
A vous écouter c’est comme si l’avenir était prometteur au niveau du secteur des nouvelles technologies de l’information en Guinée ?
Bien sûr ! C’est d’ailleurs l’un des secteurs les plus grands contributeurs de l’économie. D’ailleurs l’économie de demain va être structurée autour du numérique, c’est clair.
Quels autres sujets avez-vous évoqué ?
Ils ont parlé de la liberté de la presse. Mais nous leur avons montré clairement qu’il n’y a aucune liberté de presse qui est menacée. Mais il n’y a pas de liberté sans responsabilité. Les journalistes doivent assumer et exercer leur liberté dans la responsabilité. Ceci est extrêmement important parce que l’un ne peut pas aller sans l’autre.
J’ai rappelé qu’il y a des journalistes américains qui se sont rendus coupables et qui ont été condamnés à de très grandes peines parce qu’ils ont exposé sur la place publique des informations que leur Gouvernement a qualifiées de ‘’secret défense’’. Certains sont exilés aujourd’hui en Russie. On les connait Edward Joseph Snowden qui est un exemple. Mais qu’en Guinée, un média peut se permettre de prendre une information que l’armée a classifiée comme secret confidentiel et la mettre sur place publique.
Et que quand il y a sanctions, ils disent que c’est la liberté de presse qui est menacée. Ça veut dire que les alerteurs comme on les appelle aux États-Unis sont poursuivis par la justice est-ce que ça veut dire que c’est une menace à la liberté de l’information? Donc, il faut comprendre que dans chaque pays, il y a des procédures qui font que les journalistes doivent savoir c’est quoi un secret confidentiel, un secret défense, un secret d’Etat. Et que lorsque tout cela est menacé, il est de la responsabilité de l’Etat de rappeler l’exigence de se conformer à la loi. Sur ce sujet, nos points de vue étaient équilibrés.
Michael Heath a quand-même insisté sur la nécessité de garantir la liberté de la presse lors d’une conférence qu’il a accordée à certains journalistes ce 31 janvier 2024. Quelle est votre réaction ?
Le diplomate peut dire ce qu’il pense. Mais il faut quand-même rappeler que les Etats-Unis ont pris des dispositions pour interdire TikTok chez eux mêmes si certains Etats n’obtempèrent pas. Le gouvernement fédéral a bien indiqué qu’il ne veut pas de TikTok sur son territoire (…). Il faut savoir que chaque pays est libre de ce point de vue-là de créer les conditions de développement des nouvelles technologies. Il n’y a aucun pays qui va dicter à l’autre comment il doit se conduire, (…). Sinon dans le territoire américain il y a énormément de sites qui ne sont pas accessibles, c’est leur politique à eux, et donc chaque pays reste comme il le souhaite parce qu’il est de sa responsabilité de protéger sa population sur son territoire et son pays.
Il faut arrêter de croire que le point de vue d’un diplomate américain s’impose sur le gouvernement guinéen. Ça ne marche pas comme ça. Il dit que ce qu’il pense. Nous disons aussi ce que nous pensons. Il faut considérer la parole des gens. Si le gouvernement américain fait une invite, vous croyez que nous allons suivre ça comme une lettre à la poste ? Ce n’est pas comme ça que fonctionnent les relations. Vous croyez que la position des États-Unis sur certains sujets est partagée par le monde entier ? Vous croyez que leur position y compris les droits de l’homme, sur la peine de mort est partagée par beaucoup de pays ? Chaque sujet mérite des discussions. Nous, nous avons aboli la peine de mort chez nous mais les américains continuent de l’appliquer dans certains de leurs Etats. Vous croyez qu’on a des leçons à leur donner sur ce point de vue-là parce que nos législations ne sont pas les mêmes ? Non. Chaque pays a ses propres valeurs. Nous respectons leurs valeurs, leurs idées, ils respectent les nôtres et nous évoluons en toute cordialité. Il n’y a pas autre mesure. Nous en discutons, argument contre argument, c’est tout.
Interview réalisée par Africa Guinée