À l’occasion de la 78ème Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, nombre de dirigeants africains, civils et militaires, se sont illustrés par un discours direct, sans détour, loin des panégyriques habituels que prononcent les érotomanes placés à la tête des pays africains.
Nous avons remarqué des admonestations particulièrement teigneuses à l’endroit des partenaires Occidentaux et surtout, à l’égard d’une France, dont les méthodes, la duplicité, la fourberie, le double discours et le double standard ont été dénoncés avec acrimonie, au point que Josep Borrell, le Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, dans un feint élan de solidarité, se soit effaré d’un certain French bashing ou dénigrement de la France en Afrique, soulignant ainsi, à la fois, malaise et embarras d’un allié dont les activités terroristes en Afrique jettent l’opprobre sur un continent déjà soupçonné de rivaliser de génie destructeur pour garder sa main mise sur une Afrique qu’elle n’a pas vu l’échapper.
DISSIPER LE MALENTENDU TERRORISTE ET LES RACCOURCIS CONSPIRATIONNISTES
Le terrorisme étant l’emploi systématique de la violence pour répandre la terreur et des pressions sur un État et ses populations, afin de détruire et tuer des civils pour atteindre des buts économiques, politiques, sociaux et culturels, il est primordial d’enseigner aux Africains que les pressions que subissent leurs dirigeants pour les trahir, la présence militaire étrangère sur le sol africain, la démocratie électorale qui engendre l’émergence de renégats au pouvoir, les accords militaires et économiques léonins, l’aide publique au développement, les médias mensonges étrangers et leurs relais locaux, les ONG, le franc CFA, le colonialisme, le néocolonialisme, l’impérialisme et les esclavages arabes et judéo-chrétiens sont tous des formes de terrorisme que l’Afrique a subi et continue à subir encore aujourd’hui en 2023.
Halte aux raccourcis et théories conspirationnistes, puisque les intentions de nos prédateurs sont claires et explicites. Elles sont soutenues sur des grands médias, notamment ces aveux et menaces de la France à l’égard de l’Afrique exprimés en septembre 2023, par l’écrivain français Vincent Crouzet sur le plateau de LCI, en ces termes : « En étant présent, nous pouvions mieux nous protéger des actions des groupes djihadistes.
D’un autre côté aussi, peut-être maintenant, notre ambassadeur et notre contingent n’étant plus otages au Niger, en quelque sort dans cette position, nous aurons plus de latitude pour nous monter des opérations de déstabilisation cette fois-ci plus clandestines ». Les Africains doivent comprendre que les opérations clandestines de déstabilisation passent par l’organisation des élections factices, par les contrats léonins, l’extorsion de nos ressources naturelles et aussi le contrôle de notre démographie, en plus de l’occupation militaire justifiée par la lutte supposée contre le djihadisme qui est lui-même importés par les pyromanes qui prétendent le combattre.
NOUS SOMMES TOUT SIMPLEMENT PROS-AFRICAINS : C’EST TOUT!
L’un des moments forts de la session de septembre 2023 a été l’entrée en scène des représentants du Burkina Faso, de la Guinée et du Togo, en plus de celui du Mali, précurseur en 2021 du retour des réquisitoires contre la laideur du rance impérialiste qui paralyse le développement de l’Afrique.
Les représentants de ces pays ont choisi le langage de vérité exigé par le thème de cette année, intitulé : « Restaurer la confiance et raviver la solidarité mondiale; accélérer l’action sur le Programme 2030 et ses objectifs de développement durable en faveur de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité pour tous ».
Le libellé du thème de l’ONU semble trahir le manque de confiance en soi des dirigeants de l’institution mondiale vis-à-vis du cynisme et de l’incrédulité qu’éprouvent les populations mondiales de plus en plus sceptiques de l’efficacité des actions du « machin ».
C’est dans ce contexte que le colonel Mamady Doumbouya se présente devant le pupitre de l’ONU, pour livrer un plaidoyer empreint de dignité et de désenchantement qu’une grande majorité de la jeunesse africaine partage aujourd’hui sur le continent. Des origines du vent démocratique, à l’échec programmé de celle-ci, des coups d’État aux allégeances idéologiques supposées des Africains, le président de la Guinée livre son cru sur des sujets passionnément clivants et fâcheux.
Lorsque le colonel Doumbouya s’indigne avec beaucoup d’amertume sincérité de la délinquance des partenaires traditionnels de l’Afrique, qu’il nomme d’ailleurs de vive voix, il donne écho à ces mœurs géopolitiques et géostratégiques que l’écrivain Américain William Blum qualifie d’agissements d’État voyou, dans son livre du même nom. Blum résume sa pensée par ces mots : « Si j’étais président, j’arrêterais en quelques jours les attentats terroristes contre les États-Unis. Définitivement.
D’abord, je présenterais mes excuses à toutes les veuves, aux orphelins, aux millions d’autres victimes de l’impérialisme américain(…) Et puis, je réduirais le budget militaire d’au moins 90 %, utilisant le surplus à payer des réparations aux victimes. Ce serait plus que suffisant. Le budget militaire d’une année, soit 300 milliards de dollars, équivaut à plus de 18 000 dollars de l’heure depuis la naissance de Jésus. Voilà ce que je ferais les trois premiers jours. Le quatrième jour, je serai assassiné ».
Le président Mamady Doumbouya, les ministres Bassolma Bazié du Burkina Faso, Abdoulaye Diop du Mali et Robert Dussey du Togo, soutiennent implicitement et parfois explicitement que les Africains sont collectivement veufs, orphelins et victimes de l’impérialisme, non pas uniquement des Américains, mais bien entendu, de l’ensemble des pays de l’Occident, qui font de la prédation économique leur mode de survie, et, il est de ce point de vue, primordial de préciser qu’il s’agit principalement de la France, la Grande Bretagne, les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN.
Ces pays sont débiteurs de l’Afrique, au titre de leurs nombreux et divers crimes et sont de ce fait collectivement responsables et solidaires des réparations monétaires de 300 milliards de dollars souhaitées par William Blum en 2002. À noter que cette créance africaine évaluée sur le budget militaire des seuls États-Unis s’élevait en 2022 à 813 milliards de dollars.
Ce à quoi s’ajouteraient les 68 milliards du Royaume-Uni, les 57 milliards de la France, des budgets militaires de ces pays, qui ne représentent qu’une somme microscopique de la créance africaines vis-vis de ses prédateurs.
Le discours africain à l’ONU a été la résonnance d’une relation malsaine et incestueuse, tout aussi agressive que décomplexée, passant tantôt par des manipulations des opinions publiques africaines à travers des mouvements de revendication portés par une opposition néocoloniale factieuse, par des « défenseurs » de la constitution ou de l’ordre dit constitutionnel, par la supposée société civile; tantôt par des assassinats politiques ciblés, soit par le lynchage médiatique et les fallacieux rapports des ONG ou carrément par l’élimination physique, rôle souvent dévolu aux barbouses dissimulés dans les forces spéciales des armées d’occupation coloniale déployées dans les quatre coins du continent.
Cette relation malsaine engendre délibérément des Alassane Ouattara, Alpha Condé, Ali Bongo, Denis Sassou Nguesso, Macky Sall, Mohamed Bazoum et bien d’autres, résolus à brader les richesses naturelles africaines, à promouvoir avec zèle les « nouvelles sexualités émergentes », à défendre et implémenter les politiques néfastes et suicidaires de planning familiales voulues et pensées pour limiter la croissance démographique africaine, sur lesquelles l’influenceure Nathalie Yamb a d’ailleurs consacré récemment une vidéo de vulgarisation intitulée :
« Pourquoi et comment le dossier NSSM-200, plus connu sous le nom de rapport Kissinger, a inscrit la dépopulation de l’Afrique, du Tiers-Monde comme fondement de la politique étrangère des États-Unis ».
Au discours africain, s’ajoutent des voix d’intellectuels Occidentaux de bonne foi, qui, eux non plus, ne s’embarrassent plus des étroits conformismes politiques et médiatiques de leur pays, pour se désolidariser des machinations de leurs dirigeants à l’égard de l’Afrique. C’est le cas de l’universitaire français Bertrand Badie, qui y va de cette incroyable charge contre son pays, aux antipodes de la bulle explicative occidentale :
« Lorsque la grande vague de décolonisation a triomphée en Afrique, il y a eu une sorte de division du travail implicite entre les États-Unis et la France(…) Les États-Unis ne connaissant pas l’Afrique, ne s’y intéressant pas beaucoup, à part cette vieille attache historique avec le Liberia, les ÉU n’ont pas beaucoup de parcours commun avec l’Afrique(…) Avec l’évolution de Barkhane, ils ont découvert que la France avait complètement échoué dans cette entreprise. Il n’y a plus de confiance des ÉU envers la France, pour assurer je dirais cette fameuse stabilité que recherche le monde pour protéger son hégémonie, disons les choses comme ça(…) Les États-Unis, s’apercevant que la France n’arrive plus à faire le travail, ont décidé sans scrupule, et sans concertation probablement, de prendre le relais.
On est passé de la discrétion à l’explicitation presqu’humiliante pour la France. La façon dont les Américains ont géré la crise nigérienne était profondément humiliante pour la France. D’ailleurs, au moment où l’Élysée était en pleine rodomontade, expliquant qu’on veut aider la Cédéao à reprendre le pouvoir, qu’il n’était pas question de rappeler l’ambassadeur, qu’il n’était pas question de rappeler les troupes, qu’il n’existait qu’un État qui était celui présidé par Bazoum, les États-Unis en silence ont exactement fait le contraire; ont expliqué que la solution militaire n’était pas une bonne solution, donc, ont envoyé immédiatement Mme Nuland négocier avec la junte qui avait pris le pouvoir et ont expliqué qu’il n’était pas question de retirer leurs troupes, mais au contraire, de sécuriser son implantation, avec en plus quelques gages que immédiatement la junte a donné aux États-Unis; en nommant un nouveau chef d’état-major à la tête de l’armée nigérienne qui a été formé aux États-Unis, en nommant un premier ministre qui, lui, n’est pas de formation américaine, mais de formation française, mais qui a beaucoup fréquenté les milieux de la finance internationale, ce qui est une façon de rassurer les élites américaines(…) Je pense que les États-Unis craignent beaucoup l’expansion de la présence Russe en Afrique(…)On a l’impression que les États-Unis sont en train de développer une stratégie de présence et de gestion des États africains sur un mode qui n’est pas désintéressé, sur un mode qui n’est certainement pas en rupture avec les vieux schémas de la dépendance, tel que nous les connaissons, mais qui présentent l’attractivité de venir d’une puissance qui n’a jamais été directement la puissance coloniale sur place et qui entend avoir un langage et des symboles en rupture avec les vieilles pratiques qui étaient celles de la françafrique(…) Jusqu’à quel point la diplomatie française n’a pas été victime d’une prise de conscience tardive? Est-ce que véritablement la France, les responsables français ont vu arriver ce nouvel intérêt porté par les États-Unis envers l’Afrique?
Je n’ai jamais entendu de responsable politique français parler de cette concurrence américaine. On a beaucoup parlé de la Chine, de la Russie et de Wagner, on a beaucoup parlé des émergents c’est-à-dire de la Turquie, de l’Inde, du Brésil, mais pas beaucoup des États-Unis parce que, moi, ce que j’entendais toujours dans la bouche des français, c’est que les États-Unis sont très heureux du travail que nous faisons en Afrique.
Donc, c’était le rival invisible. Et, je ne suis pas sûr que le réveil n’ait pas été difficile pour les français, lorsqu’ils ont vu à leur grand étonnement le département d’État jouer un rôle tout à fait nouveau et semble-t-il assez réussi dans la gestion de la crise nigérienne(…) Les relations franco-marocaines dont on a beaucoup parlé à l’occasion du tremblement de terre sont tout à fait archétypiques des erreurs commises notamment en France et de leur incapacité de s’émanciper d’une culture coloniale.
C’est finalement le grand mal qui frappe la France y compris en Europe, parce que les Britanniques, mêmes les portugais n’en sont plus là, du tout. C’est-à-dire cette façon de s’accrocher à des pratiques et à un langage colonial qui de manière presque automatique reçoit des Africains une réponse tout aussi radicale(…) Il y a un tel surinvestissement en France dans la pérennité de la vision coloniale, qui est résumé par une formule qu’il ne faut jamais oublier, qui est celle de la responsabilité particulière. Chaque président français, (et il n’y a pas d’exception), déclare que la France a des responsabilités particulières en Afrique.
Derrière ce mot de responsabilité particulière se cache la volonté de continuer de pérenniser le lègue colonial et donc, tout ce qui est dit est vu comme étant effectivement du néocolonialisme et une atteinte à la souveraineté. Le résultat c’est qu’effectivement, avec n’importe quel prétexte, toute phrase, toute pratique est réinterprétée de la sorte et est source de divorce(…) La destinée manifeste sur le mode français, il s’appelle Jules Ferry, c’est-à-dire l’éducation des races inférieures par les races supérieures.
Est-ce que véritablement, on a rompu avec ça? Il ne faut pas oublier que l’homme auquel François Hollande, dès qu’il a été élu président de la république, a voulu aller rendre hommage, lors de son investiture comme présent c’est Jules Ferry; l’homme qui a distingué entre les races supérieures et les races inférieures. On ne peut pas décrasser la culture française de ce postulat, non seulement néocolonial, non seulement de pérennisation de la colonisation, mais je dirais un temps tinet raciste. Ça c’est le mal français.
Vous ne trouverez pas ça en Grange Bretagne, vous ne le retrouverez pas en Allemagne, vous ne le retrouverez même plus au Portugal et pourtant cette idée même était presque enraciné depuis Vasco de Gama. Il y a quelque chose de culturelle et de stratégique que d’avoir voulu maintenir ce langage et cette pratique(…) La décolonisation a été pratiquée dans la France des années 60, la France gaulliste à partir de l’espoir militant que la forme poste coloniale permettra de pérenniser la forme coloniale.
Tous les présidents qui se sont succédés depuis de Gaulle y compris François Mitterrand et François Holland, ont pérennisé cette pratique et ça c’est quand même quelque chose qu’un jour il faudra avoir le courage de le regarder en face. Et quand vous commencer à dire ça, vous recevez les accusations automatiques, vous faites de l’auto-flagellation, la France n’est pas coupable de tout, n’est pas responsable des dictateurs ».
Cette sortie médiatique du politiste français s’inscrit dans la droite ligne du discours africain de l’ONU et met d’ailleurs l’emphase sur les rivalités entre prédateurs, qui sont présents sur le continent africain pour strictement défendre et protéger leur hégémonie, en roulant les Africains dans la farine de la démocratie, des droits de l’homme, de la mondialisation, de l’aide au développement, et ce, tant et aussi longtemps que ceux-ci s’y laisseront mariner. La pratique terrorisante d’intimidation et de harcèlement derrière les rideaux, que Bertrand Badie appelle « quelques gages » n’est ni plus ni moins, ce que le colonel Doumbouya décrit cahin-caha comme expérience de président : « Je dois d’ailleurs dans ce sens confessé que tout ce à quoi je fais face dépasse l’imagination. Ce sont les mêmes qui confessent la démocratie, la transparence, qui dénoncent la mauvaise gouvernance, et la corruption, qui dictent les règles, c’est eux en off, très discrètement et sournoisement, redoublent de pressions pour nous faire céder notre patrimoine dans des contrats léonins ».
ANALYSE CRITIQUE
Non, président Doumbouya, ni les paroles, ni la docilité de certains leaders politiques Africains, ni les incantations encore moins les admonitions ne feront pâlir, adoucir, alanguir ou changer de politique ou encore de perception des prédateurs coloniaux qui trouvent justement dans l’infantilisation des Africains, la godille permanente de la locomotive du statuquo, celui du pillage perpétuel des richesses africaines via des vases communicants politiques, dont notamment la substitution des pantins déchus par des idiots utiles et autres marionnettes promues, issus de la ribambelle de leur marché de niche, ravitaillé par nos systèmes d’éducation scolaire délétère. Non, les prédateurs coloniaux et envahisseurs étrangers ne feront jamais confiance aux Africains de leur plein gré, comme ils ont fini par le faire à égard des pays asiatiques.
Au-delà des discours amphibologiques digressifs de leurs leaders, les asiatiques, notamment les Vietnamiens, ont dû prendre les armes pour extirper des entrailles de leurs prédateurs toute idée de se maintenir en Asie, à travers des stratagèmes spécieux similaires à ceux déployés en Afrique, à savoir: la démocratie cosmétique, la francophonie, le Commonwealth, les injonctions punitives du FMI, les chantages racistes de la banque mondiale, ainsi que les bakchichs toxiques de l’aide au développement.
La confiance en l’Afrique passera par des rapports de force et le croisement du fer, qui commence au niveau local par l’exclusion et le bannissement de nos processus politiques d’accession au pouvoir des idiots utiles, qui nous servent de leaders politiques, acagnardés dans la servitude volontaire, qui poussent la bassesse de bamboula jusqu’à se réjouir sur des médias étrangers de paralyser l’économie de leurs pays à travers des grèves, des journées villes mortes, des agressions contre les forces de l’ordre; et au niveau du partenariat économique, la confiance en l’Afrique passera par la résiliation des contrats léonins dont nous savons à présent avec certitude qu’ils sont signés grâce au dol et à la baïonnette.
Le fameux :
« Nous ne sommes ni pros ni antis Américains, ni pros ni antis Chinois, ni pros ni antis Français, ni pros ni antis Russes, ni pros ni antis Turques, nous sommes tout simplement pros Africains, et c’est tout », fait en sorte que le discours de Mamady Doumbouya rentre dans les annales des grands discours prononcés devant cette assemble au cours des 78 dernières années. L’ancien légionnaire français mettra de l’eau au moulin des intellectuels panafricanistes, dont beaucoup semblaient lire et reconnaitre dans ce discours, leur propre plume sur les entourloupes de la démocratie électorale. Des causes profondes de l’épidémie des coups d’État qui frappent l’Afrique à la démocratie téléguidée depuis les capitales occidentales et notamment la manipulation de l’ONU jusqu’au but ultime : le contrôle des richesses naturelles de l’Afrique via le contrôle de la classe politique africaine, Mamady Doumbouya ratisse très large pour justifier sa prise de pouvoir. Loin des frasques rétrogrades de putschistes en quête de reconnaissance, le discours africain de septembre 2023 devant l’assemblée générale des Nations Unies est porteur du label panafricaniste, puisqu’il s’inscrit dans les aspirations d’une jeunesse africaine plus que jamais éveillée, assoiffée d’indépendance et de prospérité.
Mamady Doumbouya dit : « Épidémie de coup d’État en Afrique. C’est tout le monde qui les condamne, qui les sanctionne; qui s’émeut de la réapparition brusque de cette pratique que l’on croyait révolu, `juste tire. Mais, j’ai envie de dire que la communauté internationale doit avoir l’honnêteté et la correction de ne pas se contenter de dénoncer les seules conséquences, mais de s’intéresser et de traiter les causes. Les coups d’État, s’ils se sont multipliés ces dernières années en Afrique, c’est bien parce qu’il y a des raisons très profondes. Et, pour traité le mal il faut s’intéresser aux causes racines. Le putschiste n’est pas seulement celui qui prend les armes, qui renverse un régime. Je souhaite que l’on retienne que les vrais putschistes les plus nombreux, qui ne font l’objet d’aucune condamnation, c’est aussi ceux qui manigancent, qui utilisent la fourberie, qui trichent pour manipuler les textes de la constitution afin de se maintenir éternellement au pouvoir. C’est ceux en colle blanc, qui modifient les règles du jeu pendant la partie pour conserver les reines du pouvoir. Voilà les putschistes le plus nombreux… Je fais partie de ceux qui un matin ont décide de prendre notre responsabilité. Pour éviter à notre pays un chaos complet…
Sans être exhaustif, nous pensons que les transitions qui sont en cours en Afrique sont dues à plusieurs facteurs parmi lesquels, on peut citer des promesses non tenues, l’endormissement du peuple, le tripatouillage des constitutions par des dirigeants qui ont pour seul souci de se maintenir au pouvoir au détriment du bien-être collectif. Aujourd’hui, les peuple africains sont plus que jamais éveillés et décidés à prendre leur destin en main. La mauvaise répartition des richesses créée des inégalités sans fin : la famine, la misère qui rendent le quotidien de nos populations de plus en plus difficile… Quand les richesses d’un pays sont dans les mains d’une élite alors que nouveau-nés meurent dans les hôpitaux par manque de couveuses, il n’est pas surprenant que dans de telles conditions, nous assistons à des transitions pour répondre aux aspirations profondes du peuple. L’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui nous a été imposé.
Un modèle certes bon et efficace pour l’Occident, qui l’a conçu au fil de son histoire, mais qui a du mal à passer et s’adapter à notre réalité, à nos coutumes, à notre environnement(…) De façon très claire, sans hypocrisies, sans faux semblant, les yeux dans les yeux, nous sommes tous conscients que ce modèle de démocratie que vous nous avez si insidieusement et savamment imposée après le sommet de la Baule en France, presque de façon religieuse, il ne marche pas. Les différents indices économiques et sociaux sont là pour le démontrer.
Ce n’est pas un jugement de valeur sur la démocratie en elle-même, c’est un constat, un bilan sur plusieurs décennies d’expérimentation chaotique de ce modèle dans notre environnement. Une période où il n’a été question que de joute politique au détriment de l’essentiel qui est l’économie, la transformation de nos matières premières sur place.
Permettez-moi de pousser l’exercice de vérité un peu plus loin, avec ma courte, mais intense expérience à la gestion d’un État, la Guinée, j’ai mieux mesuré à quel point ce modèle a surtout contribué à entretenir un système d’exploitation et de pillage de nos ressources par les autres et une corruption très active de nos élites. Des leaders nationaux, à qui on a souvent accordé des certificats de démocrates, en fonction de leur docilité ou de leur aptitude à brader les ressources et les biens de leur peuple; ou encore de leur facilité à céder aux pseudos recommandations et injonctions des grandes puissances.
Je dois d’ailleurs dans ce sens confessé que tout ce à quoi je fais face dépasse l’imagination. Ce sont les mêmes qui confessent la démocratie, la transparence, qui dénoncent la mauvaise gouvernance, et la corruption, qui dictent les règles, c’est eux en off, très discrètement et sournoisement, redoublent de pressions pour nous faire céder notre patrimoine dans des contrats léonins.
Je comprends certains dirigeants, quelques uns de mes prédécesseurs, qui, parce qu’ils avaient des fragilités, parce qu’ils étaient sous pression, ou parce qu’ils trainent des casseroles ou surtout parce qu’ils avaient des agendas politiques ont cédé à ce qu’on leur demandait. Je les comprends sans les approuver. Certains m’ont même rappelé que si j’avais un agenda politique, je serai moins à l’aise pour mener à bien les réformes auxquelles mon gouvernement et moi nous nous sommes attaqués. Une chose est certaine, nous n’avons qu’une seule préoccupation, le bien-être du peuple et le vivre ensemble. C’est cela notre priorité. C’est pourquoi, la transition que je dirige a choisi de se consacrer avec méthode, en fixant les objectifs clairs, dans un ordre précis : le social, l’économie et le politique (…) Mon uniforme, je l’ai mis au service de mon peuple, je vous serais reconnaissant de respecter ce serment, de nous tenir à distance respectable des divisions de toutes sortes que beaucoup de nourrir dans nos pays(…)Nous Africains, nous sommes fatigués, épuisés des catégorisations dans lesquelles les uns et les autres veulent nous mener, et surtout nous cantonner.
La population de l’Afrique est jeune, elle n’a pas connu la guerre froide, les guerres idéologiques qui ont façonnées le monde pendant les 70 dernières années. C’est pourquoi, nous Africains, nous trouvons insultant les cases, les classements qui tantôt, nous place sous influence des américains, tantôt sous celle des anglais, tantôt des Chinois, des Russes, et même des Russes. Nous ne sommes nous pros, ni anti-américains, ni pros ni antichinois, ni pros ni anti-français, ni pros ni antirusses, ni pros ni antiturcs.
Nous sommes tout simplement pros Africains, c’est tout. Nous mettre sous la coupe de telle ou telle puissance, est une insulte, du mépris, du racisme vis-à-vis d’un continent de plus d’un milliard trois cent millions de personnes. Il est important que l’on comprenne clairement que l’Afrique de papa, la vieille Afrique, c’est terminé(…) Il est venu le moment de prendre conscience que les structures, les règles issues de la seconde guerre mondiale en l’absence de nos États, qui n’existaient pas encore, sont obsolètes.
C’est la fin d’une époque déséquilibrée, injuste où nous n’avons pas droit au chapitre. C’est le moment de prendre en compte nos droits, de nous donner notre place mais aussi et surtout, le moment d’arrêter de nous faire de la leçon, de nous prendre de haut, d’arrêter de nous traiter comme des enfants. Rassurez-vous, nous sommes suffisamment grands pour savoir qui est bien, ce qui est bon pour nous. Nous sommes suffisamment matures pour définir nos priorités, pour concevoir notre modèle qui corresponde à notre identité, à la réalité de nos populations, à ce que nos sommes tout simplement. Nous vous serions fort reconnaissants de nous faire confiance et de nous laisser mener notre barque comme vous l’avez permis dans certaines régions du monde(…) Cette infantilisation est du plus mauvais effet sur une jeunesse africaine qui s’est émancipée (…) La communauté internationale doit regarder l’Afrique avec des yeux neufs. Elle doit entreprendre avec elle désormais une coopération franche, dans un esprit de partenariat gagnant-gagnant ».
DE LA PAROLE AUX ACTES
Le capitaine Ibrahim Traoré arrivé au pouvoir à seulement 34 ans, le 30 septembre 2022, le colonel Assimi Goïta a 37 ans lorsqu’il dirige le Comité national pour le salut du peuple, qui renverse le président Ibrahim Boubacar Kéita, Mamady Doumbouya a 41 ans lorsqu’il remplace le président Alpha Condé à la tête de son pays. Ces officiers ont la vigueur et la tonitruance de leur jeunesse et les idéaux de leur époque pour réaliser enfin une véritable indépendance économique en plus de consolider celle politique indolemment acquise dans les années 60, ce qui de facto permis surtout au régime colonial français de passer d’une présence coloniale physique à une forme insidieuse de prédation coloniale via des accords tacites qui touchent à tous les aspects de la vie d’un pays : politiques, économiques, sociaux, culturels et militaires – les fameux accords de défenses -, invasifs et d’un déséquilibre cyclopéen en faveur de la France.
Les aspirations de la jeunesse africaine à l’amorce de ce deuxième quart du millénaire sont d’arracher l’Afrique de l’influence étrangère qui, depuis la Bulle papale de Nicolas V de 1545, proclamant urbi et orbi l’esclavagisation des Africains, dicte encore aujourd’hui les rapports entre les Africains et les Européens et leurs cousins Américains. Ces aspirations sont incarnées par les jeunes dirigeants du Burkina Faso, la Guinée, le Mali et le Niger.
Faut-il rappeler aux Africains et surtout à leurs élites intellectuelles et politiques que le modèle démocratique américain est une création de jeunes gens, idéalistes, antimonarchistes? Parmi les membres influents du comité qui a établi les bases actuelles de la société américaine de 1776, date de la déclaration unilatérale de l’indépendance américaine, vous avez James Madison, quatrième président américain. Âgé à peine de 25 ans en 1776, c’est dans sa très jeune vingtaine que Madison devient un des pères fondateurs des États-Unis, considéré comme l’un des principaux auteurs de la Constitution américaine, alors qu’il s’occupe particulièrement de l’équilibre entre les pouvoirs législatifs, judiciaires et exécutif, en plus de la déclarations des droits.
Thomas Jefferson, troisième président américain, n’était âgé que de 33 ans en 1776, lorsqu’il a écrit la déclaration qui a concrétisé les espoirs des représentants des 13 premiers États face à l’empire esclavagiste britannique. John Adams, deuxième président américain, avait 41 ans en 1776, Samuel Adams et Georges Washington âgés respectivement de 54 et 44 ans en 1776, alors que Benjamin Franklin faisait figure de grand-père à 70 ans en 1776. Il faut noter que Washington fait parler de lui dans la jeune vingtaine également, puisqu’il a 24 ans en 1756, alors qu’éclate la guerre des 7 ans (1756-1763), qui fit presque entièrement disparaitre l’empire colonial français en Amérique du Nord. Ces jeunes gens, patriotes et nationalistes, s’inventent en 1776 un modèle obéissant à leurs besoins, leurs intérêts et leurs valeurs, à l’exclusion des modèles monarchiques archaïques européens de leur époque. C’est ce modèle qui transcende les siècles.
Les jeunes dirigeants de l’Afrique de l’Ouest ont la légitimité de leurs pairs Américains de 1776 et le momentum favorable des velléités de souveraineté économique et du multipolarisme économique impulsé par les BRICKS pour s’affranchir du modèle démocratique démodé et se déliter des prédateurs coloniaux au profit d’un modèle endogène.
L’échec des transitions du Burkina Faso, du Mali, de la Guinée et du Niger serait d’organiser le retour au pouvoir des valets de l’impérialisme occidental, qui ont reçu la certification de démocrates du seul fait de leur malléabilité et leur maniabilité et leur propension appréhendée à bazarder les ressources naturelles africaines, en plus d’être favorables à des mœurs qui ont raison de la démographie dans certains pays développés.
La réussite de ces transitions s’inscrira dans la rupture et la création d’un État fédéral dans les meilleurs délais : une priorité.
Goïkoya KOLIÉ( Juriste, Vivant au Canada)