Les Etats membres des Nations unies se sont réunis cette semaine. Dans un monde en voie de fracturation, les réformes peinent à se mettre en place. Des dirigeants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, seul Joe Biden sera présent.
Antonio Guterres a résumé simplement sa feuille de route : « Les gens attendent de leurs dirigeants une solution pour sortir de ce pétrin », pointait il y a quelques jours le secrétaire général de l’ONU. Il listait les défis mondiaux, de « l’aggravation de l’urgence climatique à l’escalade des conflits en passant par la crise mondiale du coût de la vie, la montée en flèche des inégalités et les bouleversements technologiques spectaculaires ».
Alors que les délégations des 193 Etats membres sont réunies pour « la semaine de haut niveau » de leur assemblée générale annuelle, l’ONU peine dans le même temps à masquer sa perte d’influence. Un seul fait l’illustre crûment : des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, seuls les Etats-Unis verront leur président à la tribune, ce mardi.
Les quatre autres – Xi Jinping (Chine), Vladimir Poutine (Russie), Emmanuel Macron (France) et Rishi Sunak (Royaume-Uni)- ont dépêché leurs représentants (la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna pour la France). Les raisons de ces défections sont plurielles (le président français reçoit Charles III et le pape François ; le président russe ne voyage plus), mais le signal est d’autant plus négatif que la dernière assemblée pointait justement les risques d’un monde en voie de « fragmentation » et de « fracturation ».
Un an plus tard, aucun problème n’a été résolu : l’Ukraine se bat toujours contre une Russie qui a piétiné la Charte des Nations unies en agressant son voisin ; les Etats-Unis et la Chine restent à couteaux tirés ; et les conflits locaux se sont multipliés, de la crise toujours plus profonde à Haïti aux coups d’Etats au Niger et au Gabon… Sans compter, donc, les périls partagés du climat ou des inégalités.
Lignes de fracture
« Ce que nous vivons aujourd’hui est plus qu’un test de l’ordre (mondial) de l’après-guerre froide. C’est sa fin », avait résumé le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken , dans un discours à l’université Johns Hopkins, reconnaissant dans le même temps que « la mise en place d’une coopération internationale est devenue plus complexe », « non seulement en raison des tensions géopolitiques croissantes, mais aussi en raison de l’ampleur considérable des problèmes mondiaux ».
Antonio Guterres aura fort à faire cette semaine pour convaincre de sa capacité à faire avancer les dossiers. Sur la plupart d’entre eux, « l’ONU a échoué, à la fois parce qu’elle n’est plus adaptée à son objectif et parce que ses Etats membres ne se font pas confiance », jugent dans une note Patrick Stewart et Minh-Thu Pham, de la Fondation Carnegie pour la paix internationale.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky sera par ailleurs reçu par Joe Biden à Washington ce jeudi.
« Les lignes de fracture diplomatiques actuelles ne sont pas seulement Est-Ouest – opposant la Chine et la Russie à la communauté des démocraties de marché avancées – mais aussi Nord-Sud, opposant les pays les plus riches aux pays à revenus faibles et moyens », soulignent-ils. L’heure ne devrait plus être, parmi les discours des grands alliés de l’Ukraine, à tenter de rallier comme l’an dernier les pays encore nombreux (Inde, Vietnam, Arabie saoudite…) qui s’abstenaient contre l’invasion russe.
A l’ONU , le secrétaire général espère seulement rapprocher les points de vue pour relancer un accord sur l’exportation de céréales ukrainiennes via la mer Noire. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky sera par ailleurs reçu par Joe Biden à Washington ce jeudi. La Maison-Blanche entend ainsi afficher le soutien constant des Etats-Unis, après les doutes sur la réussite de la contre-offensive ukrainienne contre les Russes.
En retard sur les objectifs
Plusieurs autres dossiers clés seront au menu des discussions cette semaine. Ce lundi, un premier sommet devait faire le point des objectifs de développement durable (ODD), un programme en dix-sept points adopté en 2015 et qui vise à améliorer le sort des moins nantis d’ici à 2030. Une grande majorité des dossiers (mortalité infantile, accès à internet ou à l’électricité…) est en retard sur les objectifs. « Toute décision importante en matière de stratégie et de ressources concernant le développement mondial attendra probablement les réunions annuelles de la Banque mondiale et du FMI qui se tiendront le mois prochain, au Maroc », note la Fondation Carnegie.
Sur le plan institutionnel, la réforme des grandes instances de l’ONU est aussi sur la table, et notamment la composition du Conseil de sécurité. La France soutient une ouverture, de même que les Etats-Unis, qui proposent d’inclure « de nouveaux membres permanents et non permanents d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes ». « La gouvernance mondiale reste asymétrique. Les Nations unies, le système de Bretton Woods et l’OMC perdent de leur crédibilité. Nous ne pouvons pas nous diviser », avait appelé ce week-end le président brésilien Lula, depuis le sommet des G77 + Chine (représentant les pays du « Sud »).
Les Échos