La Première ministre Élisabeth Borne a réagi quelques heures après l’annonce d’un coup d’État militaire au Gabon. Le groupe minier français Eramet a d’ores et déjà interrompu ses activités. La situation est confuse au Gabon après le coup d’État mené par des militaires ce mercredi matin, peu après l’annonce de la victoire du président sortant Ali Bongo Ondimba.
Les autorités gabonaises venaient d’annoncer sa réélection avec 64,27 % des voix quand un groupe d’une douzaine de militaires est apparu sur les écrans de la chaîne de télévision Gabon 24 pour annoncer mettre « fin au régime en place ». Ali Bongo Ondimba avait été élu en 2009 après la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui avait dirigé le Gabon pendant plus de 41 ans.
Il a été placé en résidence surveillée, ont indiqué les militaires putschistes à la télévision d’État. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, il appelle ses alliés dans le monde entier à se lever contre ce coup d’État. L’un de ses fils, Noureddin Bongo Valentin, a été arrêté notamment pour « haute trahison », ont annoncé les militaires putschistes.
Les expatriés français invités à « limiter leurs déplacements ». Devant les ambassadrices et ambassadeurs de France réunis à Paris, la cheffe du gouvernement Élisabeth Borne a énuméré plusieurs crises récentes à laquelle la diplomatie française a été confrontée, « et désormais la situation au Gabon que nous suivons avec la plus grande attention ».
Lors d’une conférence de presse à midi, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a assuré que la France « condamne le coup d’État militaire en cours » au Gabon. La France souhaite « que le résultat de l’élection soit respecté », indique-t-il.
Après plusieurs jours de coupure, Internet a été rétabli sur place ce mercredi vers 7 heures. Ce mercredi matin, le ministère des Affaires étrangères français recommande sur son site à ses ressortissants installés sur place « d’éviter ou de limiter à l’essentiel tous les déplacements, de se tenir informé de la situation et de respecter les consignes de sécurité données par l’ambassade ». Un numéro d’urgence a été mis en place pour les Français : 0033.1.43.17.51.00.
La classe politique française n’a pas tardé à réagir. « Aucune alerte n’aura été entendue », tonne Jean-Luc Mélenchon sur X (ex-Twitter), qualifiant l’actuel président gabonais de « marionnette présidentielle ».
Interrogé sur franceinfo, l’ancien président français François Hollande estime qu’il n’y a pas eu « de réaction suffisamment nette, de la communauté internationale, y compris de la France, lorsqu’il y a eu le premier coup d’État au Mali » en 2020. Depuis, le Burkina Faso, la Guinée, le Tchad, le Niger, et donc le Gabon, ont connu une situation similaire. « Il y a eu une forme d’acceptation de ce premier putsch, qui fait que les militaires se sont enhardis », juge-t-il. François Hollande ajoute que « ce n’est pas à la France de se substituer aux Africains pour décider de leur avenir ».
L’association française Survie, qui milite notamment contre la « Françafrique », a exhorté la France à « s’abstenir de tout interventionnisme militaire ». « Alors que le régime d’Ali Bongo au Gabon fait face à son tour à un coup d’Etat, dont on ignore encore l’issue, l’association Survie (…) appelle la France à la plus stricte neutralité et en particulier à s’abstenir de tout interventionnisme militaire », a-t-elle déclaré dans un communiqué. Elle réclame le retrait des 400 militaires français encore déployés en permanence dans le pays pour différentes missions.
La Chine appelle à la « sécurité » d’Ali Bongo
La Chine a été le premier pays à réagir officiellement. « La Chine suit de près l’évolution de la situation au Gabon et appelle les parties concernées à agir dans l’intérêt fondamental du peuple gabonais », a commenté un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, interrogé lors d’une conférence de presse.
Le porte-parole a appelé les différents acteurs à « résoudre pacifiquement leurs différends par le dialogue, au retour immédiat à l’ordre normal, et à garantir la sécurité personnelle d’Ali Bongo ». Lors d’une visite du président à Pékin au mois d’avril, le président chinois Xi Jinping l’avait alors qualifié de « vieil ami » de la Chine et avait salué ses « importantes réalisations » en matière de développement.
« La situation au Gabon est un sujet de profonde préoccupation » et « nous surveillons de près ce qui s’y passe », a déclaré mercredi à Moscou à des journalistes le porte-parole de la Russie, Dmitri Peskov. Même réaction du côté du Commonwealth, organisation composée surtout d’anciennes colonies britanniques que le pays d’Afrique centrale. Sa secrétaire générale, Patricia Scotland qualifie les événements de « prise de pouvoir illégale », dans un communiqué. Elle a rappelé que les membres du Commonwealth devaient respecter « l’Etat de droit et les principes de démocratie ».
« L’Italie continue à être engagée en faveur d’une solution diplomatique de la crise au Niger mais aussi celle plus récente au Gabon, en étroite coordination avec ses partenaires », a déclaré le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani dans un communiqué.
Tandis que la France, ancienne puissance coloniale, soutient les pays de la Communauté économique d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dont certains membres plaident pour une action militaire contre les putschistes à la suite du coup d’État au Niger le 26 juillet dernier, Rome s’y dit opposé. « L’Europe ne peut pas se permettre un affrontement armé, nous ne devons pas être vus comme de nouveaux colonisateurs », expliquait début août Antonio Tajani, également vice-Premier ministre italien. « Nous devons reporter l’option de la guerre le plus possible »
Des entreprises françaises à l’arrêt
Les activités du groupe minier français Eramet ont été « mises à l’arrêt » au Gabon, a déclaré mercredi la société à l’AFP. « Suite aux derniers événements en cours », le groupe a « mis à l’arrêt » ses activités au Gabon et « suit » la situation pour « protéger la sécurité de (son) personnel et l’intégrité de (ses) installations », a-t-il précisé. Eramet emploie quelque 8 000 personnes dans le pays, majoritairement gabonaises. Cette annonce faisait chuter l’action d’Eramet à la Bourse de Paris, qui perdait 18,83 % à 61,85 euros vers 9h55.
Le groupe est présent au Gabon à travers deux filiales. L’une, la compagnie Comilog (la compagnie minière de l’Ogooué) est spécialisée dans l’extraction de manganèse, minerai dont Eramet est le deuxième producteur mondial à haute teneur. Setrag (la Société d’exploitation du transgabonais), la deuxième filiale du groupe français, assure l’exploitation ferroviaire de la ligne qui relie la côte atlantique au sud-est du pays riche en minerais à travers la forêt équatoriale du Gabon. La compagnie assure le transport des minerais et des passagers sur 650 km.
Total- Energies est installée depuis plus de 80 ans dans ce pays qui est le quatrième producteur de pétrole d’Afrique sub-saharienne et qui est membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) depuis 2016, après l’avoir initialement quittée en 1996. Le géant français se dit auprès de l’AFP « mobilisé pour assurer la sécurité de ses salariés et de ses opérations, ce qui constitue sa principale priorité », sans en dire davantage.
Aussi dans les hydrocarbures, le producteur Maurel & Prom affirme pour l’heure que la situation actuelle « n’affecte pas » ses sites d’activité « où les opérations se déroulent normalement, sans impact sur la production ». Le groupe a annoncé le 15 août qu’il allait racheter à la société d’investissement Carlyle l’entreprise pétrolière Assala Energy, active au Gabon, pour 730 millions de dollars.
Des officiers de l’armée sont apparus à la télévision nationale gabonaise pour annoncer qu’ils avaient pris le pouvoir. Ils ont déclaré qu’ils annulaient les résultats des élections de samedi, au cours desquelles le président Ali Bongo a été déclaré vainqueur.
La commission électorale a proclamé Ali Bongo vainqueur des élections du samedi dernier avec 64.27%. Son challenger principal, l’opposant Albert Ondo Ossa avait obtenu 30.77%. Il a qualifié les élections de frauduleuse et revendiqué la victoire.
Le renversement du président sortant mettrait fin au règne de la famille Bongo qui a duré 53 ans.Douze soldats sont apparus à la télévision pour annoncer qu’ils annulaient les résultats de l’élection et dissolvaient “toutes les institutions de la république”.
L’un des soldats a déclaré sur la chaîne de télévision Gabon 24 : “Nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime actuel”. Il s’agit, a-t-il ajouté, d’une “gouvernance irresponsable et imprévisible qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale et qui risque de conduire le pays au chaos”.