Face aux ambassadeurs, réunis comme chaque année à la fin de l’été à Paris, le président de la République a donné les grands axes de sa politique étrangère. Dans un contexte de compétition internationale de plus en plus rude et de « risque d’affaiblissement » de la position française. En Afrique notamment.
C’est le fonctionnement de la Ve République qui le dicte, la politique étrangère du pays est la chasse gardée du président. Autrement dit, sur un rail un peu parallèle au fonctionnement ordinaire des démocraties parlementaires. Et lorsque le Président prend la parole devant les ambassadeurs réunis au complet, comme il l’a fait ce lundi 28 août 2023, c’est un peu comme un discours de politique (étrangère) générale. Sans les élus.
Que leur a dit Emmanuel Macron de spécifique par rapport aux discours des années passées ? Essentiellement, qu’il va falloir tenir le cap, voire résister. Face aux pressions multiples qui s’exercent sur le positionnement de la France à l’international. Face au risque d’affaiblissement de l’Occident, et plus particulièrement de notre Europe , dans un contexte international de compétition accrue entre puissances.
Les cinglants revers à répétition au Mali, au Burkina Faso et tout récemment au Niger, ont confirmé la difficulté pour les autorités françaises de maintenir une position singulière en Afrique occidentale. Le Président n’a pas fait ce lundi 28 août d’annonces spécifiques, sur le sort des bases militaires françaises par exemple, mais indiqué une posture. Ni paternalisme ni faiblesse .
Alors que les putschistes qui ont pris le pouvoir au Niger demandent le départ de l’ambassadeur de France, Paris a décidé de le maintenir à Niamey. Le problème des Nigériens aujourd’hui, ce sont des putschistes qui les mettent en danger parce qu’ils abandonnent la lutte contre le terrorisme ; parce qu’ils abandonnent une politique qui était bonne économiquement pour eux et qu’ils sont en train de perdre tous les financements internationaux qui étaient en train de leur permettre de sortir de la pauvreté , a plaidé Emmanuel Macron. Soit. Pas sûr, cependant, que la parole présidentielle suffise à contrer la machine à désinformation et à ressentiment anticolonial savamment orchestrée au Sahel.
Soutien durable à Kiev
Concernant la guerre menée par la Russie en Ukraine, le Président a inscrit l’effort à fournir dans la durée. La Russie ne peut ni ne doit gagner cette guerre a martelé Emmanuel Macron. Pour ce faire, un investissement financier et diplomatique sera considérable pour les années à venir, a-t-il prévenu. N’en déplaise au parti prorusse, traditionnellement puissant à Paris, et contraint depuis dix-huit mois à faire profil bas face aux crimes de guerre manifestes de Vladimir Poutine.
Le soutien à Kiev pose à Paris, comme à Berlin ou Rome d’ailleurs, un défi stratégique.
Stabiliser le flanc est du continent exige de rapprocher l’Ukraine de l’Union européenne, voire de l’intégrer. Aucun statut hybride, longtemps entretenu par choix ou par ambiguïté, n’est plus viable. Mais l’entrée de Kiev bouleverserait l’UE telle que nous la connaissons. Comment concilier la raison stratégique et les complications d’un fonctionnement institutionnel à trente ou trente-cinq ?
Pour enjamber cet écueil, Emmanuel Macron a évoqué ce lundi, brièvement, un thème ancien. L’idée d’une Europe à plusieurs vitesses. Si les diplomates sont généralement invités à faire acte de résistance aux risques d’un déclin de l’Europe et de la France sur la scène internationale, en matière européenne c’est le mot audace qui primait ce lundi dans les propos du Président. L’espace démocratique serait-il le dernier où elle est encore possible ?