Un rassemblement soutenant le coup d’Etat militaire a ciblé l’ambassade française ce dimanche dans la capitale du Niger. La France a condamné les violences devant son ambassade, et appelé les autorités à assurer la sécurité.
Des manifestants avec une plaque prise à l’ambassade de France à Niamey lors d’une manifestation qui a suivi le rassemblement de soutien à la junte nigérienne, à Niamey, le 30 juillet 2023.
Des milliers de personnes ont manifesté, dimanche 30 juillet, devant l’ambassade de France au Niger, à Niamey, avant d’être dispersées par des grenades lacrymogènes, lors d’un rassemblement de soutien aux militaires putschistes.
Un rassemblement vivement condamné par la France. Le président de la République, Emmanuel Macron, « ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts » au Niger et Paris répliquera « de manière immédiate et intraitable », a fait savoir l’Elysée.
«Quiconque s’attaquerait aux ressortissants, à l’armée, aux diplomates et aux emprises françaises verrait la France répliquer de manière immédiate et intraitable. Le président de la République ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts », a ajouté l’Elysée.
«La France soutient par ailleurs toutes les initiatives régionales » visant à « la restauration de l’ordre constitutionnel » et au retour de M. Bazoum, renversé par des putschistes.
Le ministère des affaires étrangères français a lui aussi condamné « toute violence contre les emprises diplomatiques dont la sécurité relève de la responsabilité de l’Etat hôte ». Le Quai d’Orsay, qui précise que 500 à 600 ressortissants français se trouvent actuellement au Niger, a également souligné : « Les forces nigériennes ont l’obligation d’assurer la sécurité de nos emprises diplomatiques et consulaires au titre des conventions de Vienne », et « nous les appelons instamment à remplir cette obligation que leur impose le droit international ».
Un soutien à la Russie scandé par la foule
La manifestation avait débuté par une marche en direction de l’Assemblée nationale, la foule brandissant des drapeaux russes et nigériens. Le mouvement civil M62, qui avait déjà protesté contre l’opération « Barkhane » de l’armée française au Sahel et au Sahara, a lancé l’appel à manifester, alors que les manifestations avaient pourtant été interdites par la junte.
Les manifestants ont ensuite convergé vers l’ambassade de France. Mais avant les tirs de grenades lacrymogènes, quelques soldats s’étaient interposés devant l’ambassade pour calmer les manifestants.
Certains ont insisté pour entrer dans le bâtiment, d’autres ont arraché la plaque affichant « Ambassade de France au Niger », avant de la piétiner et de la remplacer par des drapeaux russe et nigérien. « Vive Poutine », « vive la Russie », « à bas la France », crient des manifestants. L’un des soldats, debout dans un pick-up, a salué la foule qui scandait « Russie, Russie, Russie ! », « Vive l’armée nigérienne ! » et « Tiani, Tiani, Tiani ! », en référence au général Abdourahamane Tiani, le chef de la garde présidentielle qui s’est autoproclamé nouvel homme fort du pays.
Un sommet « spécial » de la Cedeao
Les manifestants ont également exprimé leur hostilité à l’encontre de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui tient un sommet extraordinaire, dimanche, pour faire le point sur la situation au Niger. Le président nigérian, à la tête du bloc ouest-africain, Bola Tinubu, avait condamné le putsch dès mercredi, et promis que l’organisation et la communauté internationale « feraient tout pour défendre la démocratie » et son « enracinement » dans la sous-région.
La Cedeao, et ses quinze membres, peut prononcer des sanctions contre le Niger, l’un de ses membres, et emboîter le pas à l’Union européenne (UE) et à la France, qui ont décidé de suspendre leurs aides budgétaires, et même sécuritaires du côté de l’institution européenne, ne reconnaissant pas les « autorités » issues du coup d’Etat.
Avant même la tenue du sommet ouest-africain, la junte au pouvoir a dénoncé une menace d’« intervention militaire imminente à Niamey ». « L’objectif de cette rencontre est la validation d’un plan d’agression contre le Niger, à travers une intervention militaire imminente à Niamey en collaboration avec les pays africains non-membres de l’organisation et certains pays occidentaux », selon un communiqué lu par un membre de la junte, Amadou Abdramane, à la télévision nationale. « Nous rappellerons une fois de plus à la Cedeao ou tout autre aventurier notre ferme détermination à défendre notre patrie », a-t-il ajouté.
Les putschistes avaient déjà mis en garde sur « les conséquences qui découleront de toute intervention militaire étrangère », évoquant « l’attitude belliqueuse » d’« anciens dignitaires terrés dans des chancelleries en collaboration avec ces dernières ».
Dans le sillage de la France et de l’UE
Depuis la prise du pouvoir à Niamey, la pression s’accroît chaque jour sur le général putschiste Abdourahamane Tiani. Le putsch a été vivement condamné par les partenaires occidentaux du Niger, plusieurs pays africains et l’ONU, qui ont demandé la libération du président Mohamed Bazoum. L’entourage de ce dernier a dénoncé « un coup d’Etat pour convenance personnelle », affirmant que M. Bazoum « va très bien » malgré sa séquestration.
A Nairobi, le président kényan, William Ruto, a estimé qu’avec ce coup d’Etat « l’Afrique a subi un sérieux revers dans ses avancées démocratiques ». Le ministre de l’énergie du président déchu, Ibrahim Yacouba, a, quant à lui, invité la Cedeao et l’Union africaine (UA) à lutter pour « la libération sans délai » de M. Bazoum et la reprise de ses fonctions.
De son côté, la France a annoncé, samedi, la suspension de son aide publique pour le Niger, qui s’est élevée à 120 millions d’euros en 2022. Quant à l’UA, celle-ci a posé vendredi un ultimatum de quinze jours aux militaires pour rétablir « l’autorité constitutionnelle ».
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a, pour sa part, assuré à M. Bazoum de « l’indéfectible soutien » de Washington, assurant que le coup d’Etat mettait en péril le « partenariat » entre les Etats-Unis et le Niger. Il a également parlé dimanche avec M. Tinubu, exprimant sa « profonde inquiétude » tout en saluant le « leadership » et les « efforts » du président nigérian pour « restaurer l’ordre constitutionnel au Niger », a rapporté Matthew Miller, porte-parole du département d’Etat.
Situé en plein cœur du Sahel, le Niger est l’un des pays les plus pauvres au monde, vaste territoire désertique d’une population de quelque 20 millions d’habitants, avec une croissance démographique parmi les plus élevées de la planète. Riche en uranium, le Niger connaît une histoire jalonnée de coups d’Etat depuis l’indépendance de cette ex-colonie française, en 1960. La région, elle aussi, est instable, le pays étant le troisième à connaître un coup d’Etat depuis 2020 après l’arrivée des militaires au Mali et au Burkina Faso.
Niamey est aussi le dernier allié avec lequel Paris entretient un partenariat dit « de combat » contre les djihadistes, dans cette région minée par l’instabilité, la précarité et les attaques. Paris compte actuellement quelque 1 500 militaires au Niger, qui opéraient jusqu’à présent conjointement avec l’armée locale.
Avec AFP