La question de la réduction des partis politiques dans notre pays fait débat et la virulence de ce débat entre les partisans et les adversaires du statu quo amène à réfléchir sur les raisons objectives qui peuvent nécessiter la suppression de certaines formations politiques.
Pourquoi demander la réduction ou la suppression systématique d’un certain nombre de partis politiques dans notre pays ? Pourquoi défendre le maintien en l’état de l’existence des partis politiques dont la participation au développement économique et social ainsi que leur apport quant à l’enracinement de la démocratie est discutable ? Pourquoi défendre le maintien des partis qui n’ont pas de programmes économiques sérieux, ni de projet de société ? Peut-on nier l’impact négatif de certains partis politiques par rapport à la promotion de l’ethno stratégie, le régionalisme et le communautarisme dans ce pays ?
Depuis le retour au multipartisme dans les années 90 dans notre pays, les partis politiques ont toujours eu une assise ethnique, régionale, clanique, fragilisant davantage l’Etat nation que nous souhaitons tous dans notre pays. La réduction du nombre de partis aujourd’hui estimé à près de 187 partis agréés viendra, nous en sommes sûr, réduire les fractures ethniques et régionales, renforcer les capacités des partis en termes de ressources et orienter le débat public sur les véritables demandes économiques et sociales des populations bénéficiaires légitimes des politiques publiques.
En effet, selon le Directeur général de Stat View international, une enquête réalisée par son organisation entre le 1eret le 16 Août 2022 je cite : « 71% des guinéens sont déçus des partis politiques et leaders politiques ».
L’importance donnée à cette question sensible par les autorités de la transition (CNT particulièrement) à travers une déclaration de son Président lorsqu’il fut interpellé sur une possible disparition de certains partis politiques je cite : « Oui naturellement. Il y aura des partis qui peuvent ne pas être conformes aux nouveaux critères qui seront définis dans la nouvelle constitution ». Il faut saluer cette mesure courageuse de politique publique.
Les missions de MATD auprès des partis politiques sont à encourager comme décision politique salutaire pour assainir la classe politique et permettre d’élever le niveau du débat politique.
Si cette réforme constitutionnelle est menée de façon responsable, elle sera progressivement l’occasion de renforcer une véritable démocratie là où les meilleurs arguments s’imposent. Les débats politiques pourront mieux s’approprier les questions d’intérêt national. Déjà sur cette question, le CNRD en avance sur le communautarisme, le sectarisme politique, l’ethno stratégie, a apporté des infrastructures économiques et sociales dans toutes les régions naturelles de notre pays sans discrimination : les salles de classes, bitumage des routes, les hôpitaux, les équipements agricoles, les universités, les infrastructures minières dans un contexte économique et financier tendu…
Cette politique qui consiste à penser l’intérêt national au détriment des intérêts égoïstes et individuels doit se poursuivre par l’ensemble des acteurs de la transition et les patriotes de ce pays pour favoriser la constitution de cette nation que nous espérons tant.
Il faut que nous sortions de l’absolue logique négatrice des politiques antérieures. Au lieu d’une discontinuité, il nous faut une politique de continuité, mais qui ne s’interdit pas de rectifier les erreurs des politiques antérieures.
C’est pourquoi, la refondation s’impose comme une nécessité historique parce que la gestion du multipartisme intégral que certains qualifie de sauvage depuis les années 90 jusqu’à nos jours, soit plus de 30 ans n’a pas su répondre de façon durable aux aspirations du peuple guinéen tant au niveau de la gouvernance, de la démocratie et des libertés qu’en ce qui concerne la résolution des problèmes économiques et sociaux.
Aujourd’hui, force est de constater, que la grande majorité des guinéens réclament et revendiquent une réforme profonde sur l’existence des partis politiques à caractère ethnique dans notre pays et en revendiquent sans ambages en vue d’une gestion pacifique du pouvoir d’Etat au bénéfice de la majorité des guinéens.
Force est de constater également, qu’en s’inspirant des conséquences négatives de la gestion passée des partis sur la cohésion et l’unité nationale, le CNRD est en train de redonner espoir aux Guinéens à travers la prise en compte des demandes sociales et économiques grâce à des réformes courageuses sur le plan économique et financier et appréciées des partenaires techniques et financiers (FMI, BM, BAD etc.) et des guinéens de façon générale.
Le bon sens politique voudrait que nous ne remettions pas en cause à travers les inconséquences de certaines décisions, pour une quelconque envie de conquête du pouvoir, les acquis de ces réformes qui à brèves échéances, vont produire les effets positifs qui seront visibles sur l’amélioration des conditions de vie des populations. Ainsi, les nouveaux gouvernants qui auront en charge la destinée de ce pays, reprendrons juste la marche là où les acteurs de la refondation se seraient arrêtés sans trop d’accrocs et ce, au bénéfice exclusif de la majorité des guinéens.
C’est pourquoi, nous ne devons ni nous arrêter, ni nous laisser distraire, ni reculer, seulement continuer la marche vers le développement économique et social de notre pays. Mais nous devons néanmoins, juste voir et évaluer par moment si les empreintes de nos pas correspondent aux pas que nous voulons poser pour l’avancée économique et sociale de ce pays martyr. C’est en cela que la réforme pour une réduction des partis politiques est un gage de développement.
Cette réforme sera l’occasion de rechercher le consensus, la paix et l’unité des filles et fils de ce pays par la facilitation de l’accord partagé de tous sur une question donnée ou de compromis sur un sujet donné qui porte sur l’intérêt national.
A défaut de trois partis politiques, ce filtrage est nécessaire pour les raisons suivantes :
Près de 9/10èmedes acteurs politiques ne peut pas présenter et défendre un projet de société et un programme économique et social cohérent ;
Le manque de vision de la majorité des acteurs qui animent la vie politique vérifié par le contenu des discours et interventions ;
L’amateurisme qui caractérise le traitement des sujets d’importance capitale pour le pays par certains acteurs politiques vérifié par une vision court termiste de la chose publique ;
L’instrumentalisation de l’ethnie et de la communauté comme arme de combat à défaut de programme sérieux et crédibles ;
L’incapacité d’un nombre important d’acteurs politiques à mener efficacement le débat public sur les questions économiques et sociales qui intéressent le quotidien des guinéens vérifié par le nombre d’interventions touchant les questions économiques et sociales dans le débat public ;
Le clientélisme et le régionalisme comme instruments de mobilisation des électeurs ;
Les manœuvres de déstabilisation pour des intérêts politiques qui n’ont souvent rien à avoir avec les demandes légitimes des populations vérifié par le nombre de manifestations en rapport avec l’amélioration des conditions de vie : chômage, pauvreté, pouvoir d’achat, développement régional, inégalités sociales ;
Le bas niveau de la majorité des acteurs qui animent la scène politique dans notre pays surtout en matière d’analyse des politiques publiques vérifié par l’incohérence des discours sur la présentation des questions sociales et économiques ;
Très peu de partis politiques sont capables de produire 5000 signatures dans les communes urbaines et 1000 signatures dans les communes rurales pour justifier leur existence ;
Certains partis sont créés dans le seul but de faire la promotion d’un individu à défaut de présenter une compétence et une expertise et competir pour obtenir des postes de responsabilité au lieu de s’appuyer sur la fibre communautaire ;
Ces partis peu crédibles empêchent les formations sérieuses de dérouler leurs programmes en biaisant les communications à l’égard des populations peu alphabétisées en mettant toujours en avant l’appartenance ethnique ;
La propension de certains acteurs politiques à favoriser les troubles, violences politiques et tensions sociales pour défendre des intérêts personnels, masquer les faiblesses et empêcher le pays de fonctionner correctement pour réaliser les objectifs de croissance et de développement au bénéfice des populations.
Bref, la question communautaire qui est aujourd’hui utilisée comme arme redoutable de conquête par la majorité des acteurs politiques qui animent les partis (qui empêche les leaders sérieux de dérouler leurs programmes crédibles en abusant du niveau élevé d’analphabétisme des populations) s’explique essentiellement sans risque de nous tromper par l’incapacité de presque 9/10èmedes acteurs qui animent la vie politique dans de ce pays à:
Lire et comprendre le contenu d’un programme économique et social sérieux ;
Elaborer un programme économique et social qui reflète les réalités du pays et
Le défendre dans un débat public contradictoire pour amener l’adhésion massive des populations ;
Certes les autorités de la transition ne sont pas disposées à éliminer de la course les leaders de partis, seuls les actes de gestion posés en qualité de haut commis de l’Etat peuvent être facteur d’élimination, suite à un processus judiciaire juste, transparent et impartial. Cependant, nous encourageons vivement des primaires dans les coalitions des partis politiques comme pistes à explorer dans le cadre d’un dialogue responsable pour la réduction du nombre de partis politiques.
Le contexte actuel de notre pays permet d’explorer par le dialogue, au sein des différentes coalitions, l’organisation des primaires pour le choix des présidents de coalitions, qui à la fin de ce processus, celles-ci seront constituées en partis politiques et demander l’agrément, ce qui permettra de faire passer le nombre de partis de 187 aujourd’hui à moins d’une trentaine avec la possibilité d’un filtrage plus radicale par les critères constitutionnels et surtout après les élections générales. Une fois cet objectif atteint et sur la base des critères rigoureux d’intégrité, de moralité et de compétence, de santé, de capacité physique et mentale à imposer à tout prétendant à la magistrature suprême, ou tout autre poste électif dans notre pays le peuple désormais pourra décider librement en toute connaissance de cause le choix de ses dirigeants pour prendre en main sa destinée.
La réduction du nombre de partis politiques qui est le reflet de la volonté de la majorité du peuple de guinée, sera l’œuvre des hommes et femmes patriotes, enrichis de leurs expériences passées, et déterminés à ne plus reprendre les mêmes erreurs qui sont dommageables pour une marche pacifique de notre pays vers le progrès et la prospérité.
Après avoir réussi le défi de la gestion économique et financière, nous ne doutons pas de la volonté des autorités de la transition quant à leur capacité et leur détermination de réaliser l’ensemble des objectifs sur le plan politique pour une guinée émergente et prospère.
Conakry, le 07/Juillet/2023
Mamady Condé/Economiste/Administrateur de cabinet
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