L’opposant guinéen en exil depuis plus d’un an critique la junte au pouvoir. Il lui reproche de ne pas vouloir dialoguer avec les partis politiques représentatifs. Cellou Dalein Diallo participait à une conférence internationale à Berlin sur les relations entre l’Europe et l’Afrique et la propagande de certains acteurs extérieurs.
La Guinée s’apprête à se doter d’une nouvelle Constitution. L’actuelle loi fondamentale a pourtant été révisée en 2020. Les autorités militaires de transition expliquent être mues par un souci de refondation du pays.
Les avis des différentes couches de la société ont été recueillis et un comité est chargé de présenter un projet de Constitution. Tout ceci se déroule en l’absence du chef de file de l’opposition. Cellou Dalein Diallo, président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) vit en effet en exil depuis plus d’un an. Il est visé par la justice de son pays qu’il accuse de ne pas être neutre. L’opposant laisse entendre qu’il désire participer à la vie politique guinéenne mais reproche à la junte au pouvoir de ne pas créer les conditions favorables à des échanges apaisés.
Par ailleurs, dans un contexte d’instabilité politique et de changements d’alliances stratégiques en Afrique de l’Ouest, l’homme politique guinéen Cellou Dalein Diallo plaide pour plus de prudence face à la propagande. Les nombreuses ressources de la sous-région : la bauxite, le fer, le diamant et le pétrole notamment suscitent la convoitise et accroissent la concurrence entre puissances étrangères. L’influence accrue de la Russie dans la région, qui repose souvent sur des campagnes de propagande conduites sur les réseaux sociaux, est un élément central dans cette lutte d’influence.
Le sujet était ce mardi 13 juin 2023, au menu d’une conférence internationale à Berlin. A l’invitation de la fondation allemande Friedrich Naumann, des membres de la société civile et des acteurs politiques d’Afrique et d’Europe ont échangé sur les défis qui menacent les relations entre l’Europe et l’Afrique.
L’Afrique de l’Ouest au centre des convoitises
Des manifestants brandissent une banderole sur laquelle est imprimée la mention. Des manifestants brandissent une banderole sur laquelle est imprimée la mention.
Cellou Dalein Diallo : Vous savez, aujourd’hui, avec les réseaux sociaux et les nouvelles technologies de l’information, il y a des critiques parfois non fondées de l’Occident, du rôle que l’Occident aurait joué dans la paupérisation des populations, notamment rurales, l’échec des politiques de développement, l’insécurité et le terrorisme.
On peut attribuer cela, soit aux mauvais choix politiques, soit aux partenaires traditionnels qui étaient là depuis un certain temps. Mais tout cela ne vise qu’à essayer de donner un peu plus d’espace aux nouvelles puissances émergentes.
DW : La montée en puissance d’acteurs comme la Russie et la Chine amène justement les partenaires européens à miser plus sur des partenariats bilatéraux avec des pays où ils sont plus acceptés. Alors, au bout du compte, des pays voisins comme le Mali et le Niger, qui sont censés travailler ensemble contre des défis partagés, coopèrent avec différents partenaires. Est ce que cela peut vraiment produire des résultats durables selon vous ?
Cellou Dalein Diallo : Prenez le Mali, le Burkina avec la France, il y a une crise qui affecte leurs relations. Mais de l’autre côté, on note un renforcement de la coopération entre la France et le Niger, entre la France et la Côte d’Ivoire, entre même, disons, la France et la Guinée.
Chaque pays essaye de tirer son épingle du jeu et de sauvegarder ses intérêts en fonction de la situation qui prévaut.
DW : L’Union européenne, par exemple, ne vient pas en rang dispersé, l’Union européenne adopte une politique dont elle discute avec les pays. Mais ce n’est pas le cas, de l’autre côté, en Afrique ?
Cellou Dalein Diallo : Il y a certes l’Union européenne qui essaye de négocier directement avec les Etats, mais chaque pays membre de l’Union européenne aussi a ses priorités et donc il n’y a pas encore une intégration totale aussi bien au niveau de l’Europe qu’au niveau de l’Afrique.
Mais l’Europe est beaucoup plus avancée au niveau de l’intégration et de la définition des politiques communes.
Des blocages au dialogue politique en Guinée
La Guinée est dirigée depuis 2021 par une junte conduite par le colonel Doumbouya. Les militaires ont consenti à rendre la place à des civils élus d’ici à fin 2024, le temps de mener de profondes réformes.
DW : Cellou Dalein Diallo, vous avez évoqué la Guinée tout à l’heure et sa coopération avec la France. Une question : dans votre pays actuellement où une nouvelle constitution est en gestation, le Parlement de transition a reçu des avis de différentes composantes de la nation guinéenne. L’information que nous avons reçue est que le pouvoir de transition veut dialoguer avec tout le monde. Tout le monde, y compris donc aussi avec Cellou Dalein Diallo ? Quelle part prenez-vous dans ce processus ?
Cellou Dalein Diallo : Ecoutez, c’est la junte qui ne veut pas dialoguer avec les partis politiques représentatifs. Mais le CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement, ndlr), la junte au pouvoir, souhaite dialoguer avec les partis qui sont d’accord avec eux sur tout.
Il y a des partis qui n’ont pas toujours participé aux élections, qui n’ont pas d’expérience électorale, qui sont en fait de véritables comités de soutien à la junte.
Ils préfèrent dialoguer avec ceux-ci et non avec certains partis qui ont des réserves ou des revendications par rapport à leur position. C’est ça le problème.
DW : Alors, pour ce qui vous concerne, Cellou Dalein Diallo, vous êtes actuellement en exil depuis avril 2022 d’ailleurs et vous sillonnez de nombreux pays. Comment un homme politique comme vous réussit-il à entretenir la flamme de ses partisans en étant à l’étranger ?
Cellou Dalein Diallo : Oui, parce que la relation du président de l’UFDG et de ses militants est basée sur la confiance et sur un projet de société sur lequel on est d’accord.
On a l’ambition de développer ce pays, de réconcilier les Guinéens, d’unir la Guinée et de la servir mieux en la dotant d’infrastructures modernes, en mettant en place un système éducatif performant et surtout en garantissant l’égalité des droits et des chances à tous les fils du pays.
C’est par rapport à ce programme qu’il y a un pacte de confiance entre justement les militants de l’UFDG et leur président.
Des contacts entre Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé
Cellou Dalein Diallo a été le plus important rival politique de l’ex-président Alpha Condé renversé en septembre 2021.
DW : Alors là, maintenant, vous êtes à l’étranger. Et il y a des élections normalement attendues pour 2024. Est-ce que vous maintenez que vous serez candidat à la présidentielle alors que vous êtes visé par des procédures judiciaires ?
Cellou Dalein Diallo : C’est au parti de désigner son candidat. Mais je pense que j’ai toutes les chances d’être désigné. Et naturellement, je participerai à toute élection qui sera organisée en Guinée.
DW : Et vous le ferez en coalition avec Alpha Condé (ex-président déchu) avec qui vous vous êtes en contact dernièrement ?
Cellou Dalein Diallo : Non, non, non. Le principal adversaire politique de l’UFDG, ce sera le RPG. Comprenez, on n’est pas des alliés. Même si on a aujourd’hui des revendications communes, on est des adversaires, on n’est pas des alliés.
DW : Mais il y a eu des contacts entre Alpha Condé et vous…
Cellou Dalein Diallo : Non, il n’y en a pas eu. Il y en a eu une fois, il y a un an, mais il n’y en a pas eu depuis.
Avec DW