Après Bah Oury, François Lounceny Fall comparait ce mardi 28 mars 2023 devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé dans l’enceinte de la Cour d’Appel de Conakry
Ce diplomate chevronné de L’ONU était présent au stade lors des douloureux évènements du 28 septembre 2009. C’est la deuxième victime dans les rangs des leaders politiques à comparaître à la barre du tribunal criminel de Dixinn, dans le cadre du procès sur le massacre du 28 septembre 2009.
François Lounceny Fall, à l’époque des faits, président du parti « Front uni pour la démocratie et le changement (Fudec) » faisait partie des responsables des Forces Vives de Guinée à se rendre au stade.
Devant le juge Ibrahima Sory 2 Tounkara, ce mardi 28 mars 2023, l’ex ministre des affaires étrangères de Guinée a livré sa part de vérité. Qui a sauvé les leaders politiques ? Comment ? Qu’ont fait Marcel Guilavogui et Toumba Diakité ? Le diplomate onusien a tout dit. Explications.
« Nous avons vu le commandant Toumba monter les escaliers vers nous. Arrivé à notre niveau, il a demandé où sont les leaders ? En ce moment, nous étions déjà débout, Sidya Touré, Cellou Dalein, Aboubacar Sylla, Mouctar et tant d’autres.
Et dès que nous nous sommes levés, les militaires qui étaient derrière lui que je considère comme le groupe de Marcel s’est emparé de nous et nous ont administrés des coups. Sidya Touré a reçu un violent coup. Les crosses de fusil sur sa tête ont fait jaillir le sang. En suite j’ai reçu un violent coup, je suis tombé sur le gradin. Le coup droit s’est fendu, j’ai saigné. J’ai ressenti une douleur atroce. C’est ainsi que tous les leaders sont descendus, d’autres de la parie droite, nous avons choisi les escaliers mais toujours poursuivis par les assaillants jusqu’à la pelouse.
Arrivée à la pelouse, j’ai vu notre collègue Cellou Dalein entre leurs mains. Il y avait aux sept militaires, ils étaient nombreux tentant de l’étrangler littéralement, le rouant des coups. Pendant que nous étions arrêtés, j’ai vu Marcel asséner un violent coup sur la tête de Sidya Touré. A mon tour, j’ai reçu un violent coup de matraque sur ma tête, je suis tombé. Je me suis relevé toute suite et me suis accroché à la ceinture de mon jeune frère Mouctar, (président du NFD). Mon aide de camp (un civil habillé comme les policiers) ayant vu ce coup qu’on m’a administré, il s’est approché et m’a couvert de son corps. Et moi accroché à Mouctar, Sidya devant, Mouctar était déjà blessé à la tête moi aux coudes. C’est en ce moment que Toumba a essayé de dégager les militaires, il ne pouvait pas. C’est difficilement qu’il nous a extrait et nous a demandés de le suivre.
C’est ainsi que nous sommes sortis de l’intérieur du stade, du terrain du football. Nous l’avons suivi mais nos assaillants nous poursuivaient toujours. Au niveau du palais des sports, nous avons vu des policiers en train de dévêtir des femmes, les battre. Nous avons une femme presque déshabillée qu’ils tiraient vers le palais des sports. C’est ainsi que nous avons marché jusqu’à l’esplanade du stade du 28 septembre.
Arrivés là, nous avons retrouvé notre infortuné porte-parole Jean-Marie Doré, il n’avait plus sa veste, ni sa cravate, il était battu à sang. J’ai eu le cœur meurtri de voir exactement ce qui est arrivé à ce vieille homme. Il est venu vers nous, c’est en ce moment que Toumba nous a embarqué dans son véhicule. Il y avait Sidya Touré, Mouctar Diallo, moi et Jean-Marie Doré. Lorsqu’il nous a embarqué dans son véhicule, ça devait être une Jeep, il est reparti dans le stade en nous laissant dedans, c’était en bordure de la route. A chaque fois que je passe à l’endroit je me rappelle, même ce matin.
Toumba est reparti au stade en courant, nous laissant dans son véhicule. Pendant ce temps, Marcel et ses soldats tournaient autour du véhicule, proféraient des menaces. A un certain moment, il a donné un violent coup de matraque à Sidya Touré, j’ai ressenti la douleur parce que c’était en plein visage. Sidya lui a dit, ‘’ qu’est-ce que je t’ai fait ?’’. Marcel a répondu : ‘’ Vous vous n’allez jamais gouverner ce pays, on va vous tuer tous’’. Il menaçait. Nous étions pris de frayeur, parce que nous n’avions personne pour nous protéger. C’est en ce moment que nous avons vu Toumba revenir en courant, il s’est installé au volant et a démarré.
Pour nous, il était venu pour nous arrêter. Mais plutôt de prendre la route du camp, il a fait le demi-tour et a pris la route de CHU (Centre hospitalo-universitaire) de Donka. Il roulait à tombeau ouvert jusqu’au pont 8 novembre, il a tourné à droite. A cet instant, je pensais qu’il nous amenait à la CMIS (compagnie mobile d’intervention et de sécurité) mais il est allé se garer à la clinique Ambroise Paré. Nous sommes descendus, les médecins et infirmiers sont sortis nous accueillir. C’est en ce moment encore qu’o a vu Marcel surgir, le colonel Moussa Tiégboro était sur les lieux. Il y a eu une altercation entre Marcel et Toumba. C’est là où nous avons su que celui qui nous battait au stade s’appelait Marcel parce que Toumba l’appelait par son nom. Ils ont eu une longue discussion, parce que Toumba l’a tiré d’un côté ils se disputaient.
Marcel tenait à ce qu’on nous envoie au camp Alpha Yaya mais Toumba s’y opposait en voulant qu’on reste à la clinique. Il n’a pas réussi à le contenir. Il est venu vers nous et même Tiégboro a essayé d’intervenir timidement mais sans succès. C’est par la suite que Marcel a sorti une grenade pour dire que si on nous recevait dans ce dispositif hospitalier qu’il va faire exploser la clinique. Les infirmiers et médecins qui étaient sur les lieux ont tous fui dans la clinique. Ayant compris qu’il ne pouvait pas nous admettre dans cette clinique, il (Toumba) nous a embarqués dans son véhicule toujours à la même allure. Il nous a conduit à l’état-major de la gendarmerie où il nous a déposés. Nous étions tous blessés.
C’est à la suite de ça que le chef d’état-major de la gendarmerie, le général Ibrahima Baldé est arrivé. Il est passé à côté. C’est Jean-Marie qui l’a interpellé en lui disant, « mon général, vous avez vu dans quel état vous avez mis ces personnalités ? Ça c’est deux anciens premiers ministres que vous avez traité comme ça ». Le général Ibrahima Baldé lui a dit non ‘’ je vous ai écouté au stade’’. Je me suis levé pour dire non, qu’est-ce que nous avons dit, qu’on est opposé à la candidature des membres du CNDD et de son président, c’est ce que nous avons dit. Jean-Marie m’a dit, ‘’calme-toi’’, et, on s’est réassis. Jean-Marie m’a dit d’arrêter et de voir notre état.
On est resté pendant un bon moment et on nous a amenés dans un bureau de la gendarmerie du ministère du plan. C’est là qu’ils ont fait des points de suture sur la tête de Sidya Touré dans des conditions primaires, sans anesthésie. C’était en fin de journée. Entretemps, je crois que les autorités se sont rendus compte qu’il y a eu beaucoup de morts, il y avait eu un carnage au stade. C’est en ce moment qu’on nous a pris pour nous amener à la clinique Pasteur. Nous avons été admis dans une grande salle. C’est dans la soirée qu’on nous a ramenés notre collègue Cellou Dalein Diallo. Il avait les côtes cassées il n’avait pas pu se soulever. Je l’avais pris pour mort quand je quittais le stade. Car la façon dont j’ai vu les militaires s’acharner contre lui, je le croyais mort. Je me suis réjoui de le revoir vivant mais il avait les côtes cassées », a expliqué l’ex ministre des affaires étrangères de Guinée.
Avec Africaguinee