Selon des sources sécuritaires, le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, un officier de terrain, faisait partie des responsables arrêtés. Il était, jusqu’à son arrestation, commandant du groupement des forces du secteur ouest, engagées dans la lutte antiterroriste.
Ce qui fait dire à l’analyste politique burkinabè Maixent Somé que si cette tentative de coup d’Etat est avérée, elle serait révélatrice d’un malaise profond au sein de l’armée. Notamment au sein des militaires de base.
“On détourne des fonds destinés à votre équipement et en plus de ça, il faut que vous corrompiez des gens pour pouvoir toucher des primes. Quand vous arrivez à ce stade-là de méfiance entre la troupe et l’état-major, vous vous imaginez bien qu’on vous envoie au massacre. On vous envoie au massacre pourquoi ? Parce que vous avez des officiers qui sont plus occupés à détourner qu’à réfléchir à gagner la guerre. Voilà ce que la troupe pense”, a expliqué l’analyste.
Une action prévisible
Et Maixent Somé d’ajouter qu’une action de l’armée était prévisible : “Certains s’étaient organisés pour rééditer l’insurrection. C’est-à-dire mettre des gens dans la rue pour casser et obliger l’armée à intervenir. C’était réellement ça le projet du 27 novembre.”
Le 27 novembre 2021, des centaines de Burkinabè étaient descendus dans la rue pour dénoncer l’incapacité du pouvoir à endiguer la violence djihadiste.
Des affrontements avaient éclaté entre manifestants et forces de l’ordre faisant une dizaine de blessés. Depuis, des soupçons de complot en vue d’une déstabilisation du pouvoir avec des ramifications à l’étranger pesaient sur plusieurs militaires.
Pour un autre politologue burkinabè, Médard Kienou, spécialiste des questions de défense, les dysfonctionnements dans l’armée à eux seuls ne suffisent pas pour expliquer la situation actuelle.
“Il ne faut pas seulement voir l’armée mais aussi les populations civiles qui sont massacrées tous les jours. Aujourd’hui, on est à plus de deux millions de déplacés, le prix des denrées alimentaires monte… La situation sécuritaire ne peut pas être dissociée de l’armée. Au sujet des détournement dans l’armée, ni les autorités militaires, ni les autorités civiles n’ont pu résoudre ce problème”, a regretté le politologue.
Le ras-le-bol des populations a été exacerbé par l’attaque meurtrière du 14 novembre dernier à Inata dans le nord du pays, où au moins 57 personnes dont 53 gendarmes avaient été tuées par des djihadistes.
Kossivi Tiassou