Je ne voudrais jamais le dire, mais le Président Mamadi Doumbouya a aggravé notre fracture mémorielle. Il aurait fallu humaniser les victimes du régime AST avant de songer à le réhabiliter. AST ne devrait pas être frappé par une damnatio memoriae, mais il importe que les vérités soient dites sur son régime, que la justice dans les limites humaines possibles soit rendue à ceux qui n’existent plus mais à qui notre pays doit beaucoup.
La réhabilitation ne s’impose pas, autrement elle impose un oubli de commandement et appelle le révisionnisme. Elle aggrave aussi la fracture mémorielle et donne à ceux qui, depuis des décennies demandent à comprendre ce qui s’est passé et la justice , le triste sentiment de trahison. Ils vivent un certain ressentiment. La réhabilitation efficace devrait, dans notre cas , être la résultante d’un processus de réconciliation dûment constitué. Et d’un côté , on aurait réhabilité AST dont les faiblesses du régime ne dissolvent pas ses mérites personnelles et sa grandeur d’homme d’État ; et de l’autre côté, on aurait humanisé les victimes de son régime . Nous aurions fait de lui une figure historique principale autour de laquelle existeraient celles parallèles.
Je ne plains pas la volonté du Président de la Transition, mais j’interroge l’efficacité de sa méthode . Je le dis encore , aujourd’hui plus fort qu’hier , que nous avons besoin d’une réconciliation nationale sans ressentiment . J’ai proposé ma méthode. Je m’en veux de n’avoir fait aucun effort pour présenter mes vues aux nouvelles autorités. A présent , je souhaite accéder à elles et leur dire ce que je pense du sujet et comment il conviendrait de s’y prendre.
Le but poursuivi par ma démarche est d’éviter aux nouvelles autorités, à la bonne foi indéniable, la prise des décisions qui divisent les Guinéens à l’heure du rassemblement authentique. Notre mémoire ne devrait plus être conflictuelle. Le rassemblement vrai autour de la mémoire et à travers des politiques mémorielles efficaces est possible.
Ibrahima Sanoh