Il est Incontestable que, depuis sa prise de pouvoir, le 5 septembre 2021, le Président du CNRD, Président de la transition, le Colonel Mamadi Doumbouya, a posé de nombreux actes qui ont été salué par la grande majorité des guinéens qui lui témoignent, en raison de cela, une admiration et un soutien non feints.
Pour autant, il ne devrait pas ignorer que le soutien populaire, très volatile, peut disparaitre aussi vite qu’il est apparu.
C’est pour cette raison que, pour réussir une transition apaisée et consensuelle qui inscrirait définitivement son nom en lettres d’Or, dans les pages glorieuses de l’histoire de notre pays, le Colonel Président devrait se méfier de 2 catégories d’individus : ceux qui se livrent à une flagornerie calculée et ceux qui font preuve d’un nationalisme ombrageux.
Les flagorneurs
Pour notre Guinée qui n’aura connu depuis son Indépendance que des Présidents « messie, providentiel, prodige, sauveur, libérateur ‘’, qui auront tous malheureusement connu une fin de régime non souhaitable, le retour de tels vocabulaires que l’on croyait définitivement ensevelis, dans le discours de certains de nos compatriotes, est un spectacle particulièrement affligeant et inquiétant qui doit interpeller la méfiance et la vigilance du Colonel Doumbouya, et de tous ceux qui veulent sa réussite.
Le Colonel n’a-t-il pas proclamé dès ses premières prises de parole, son opposition catégorique à toute forme de culte de la personnalité ? Pourquoi certains s’entêtent ils, alors, à le désigner par des appellations ressemblant fort à cette pratique qui aura fait tant de mal au pays, au cours de son douloureux parcours ?
La Guinée serait elle plus bénie que la terre d’Arabie, qui a donné naissance au prophète de l’Islam, Mohamed (PSL), ou plus que la terre d’Israël, terre de naissance du Christ, au point de produire un « messie, un prodige ou un homme providentiel ’’ pour chaque régime politique qui arrive à la tête du pays ?
Compte tenu de la « richesse » de notre patrimoine historique en la matière, notre peuple n’a nul besoin, maintenant, d’un autre « messie’’ ou d’un« homme providentiel’’, mais plutôt d’un serviteur courageux, rassembleur, honnête et déterminé qui viendrait, lui aussi, apporter sa contribution en corrigeant les erreurs, les fautes et les insuffisances dans la gouvernance de ses devanciers, qui ne sont, ou n’auront été que des humains. Sans risque d’être démenti, on peut dire que le Président du CNRD, Président de la transition, « Laye Mady » pour les intimes, joue bien ce rôle pour le moment.
En se donnant la peine de scruter le bilan des devanciers du Colonel Doumbouya, on comprendrait aisément qu’eux aussi, en dépit de ce que l’on pourrait reprocher à leur gouvernance, auront posé des actes concrets et positifs sur lesquels les nouvelles autorités s’appuiront pour continuer la construction d’une Guinée de plus en plus belle, harmonieuse et apaisée.
Notre pays ne naît donc pas du néant, comme certains tentent vainement de le faire croire, pour des raisons qu’ils sont les seuls à connaitre.
L’accession du pays à l’indépendance, l’inestimable apport de la Guinée à la lutte de libération des pays colonisés d’Afrique, ainsi qu’à la création de l’OUA, le rayonnement de la Guinée au plan international et la préservation de nos richesses au bénéfice des générations futures, et les centaines d’unités industrielles construites, sont l’œuvre des pères fondateurs.
Le multipartisme intégral, la libéralisation de l’espace médiatique (radios, télévisions, journaux papiers et en ligne) ainsi que la libéralisation du commerce et d’autres réalisations au plan infrastructurel sont des legs incontestables de la deuxième République.
Le développement prodigieux du secteur minier, l’indéniable amélioration de la desserte en électricité dans le Grand Conakry, les grands projets routiers en cours d’exécution sont, en dépit de tout, à mettre au compte du régime déchu.
Les nationalistes ombrageux
Ce sont des chauvinistes pour qui, selon la perception étriquée qu’ils ont du nationalisme, le pays peut se permettre d’entrer en conflit ouvert avec la Communauté Internationale, par CEDEAO interposée . Pour eux, les interventions de l’organisation sous régionale , non conformes à leur vision, sont interprétées comme une atteinte intolérable à la souveraineté nationale.
Pourtant, dans une excellente tribune intitulée : « CEDEAO : Comment retrouver une crédibilité mise à mal », l’ancien Premier Ministre, Kabiné Komara que l’on ne saurait aucunement taxer ni d’anti guinéen ni d’anti CNRD, explique clairement les insuffisances de l’article 2 du protocole additionnel de la CEDEAO sur la gouvernance qui, à ses yeux, enlevaient à l’organisation sous régionale toutes autres possibilités d’intervention en dehors « des plaidoyers diplomatiques appelant à la retenue et à la recherche de consensus ».
L’article 2 de ce protocole additionnel de la CEDEAO stipule : « aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ». Une bonne lecture de cet article permet donc de comprendre pourquoi « l’organisation ouest africaine suspendra le Niger qui organisera son référendum constitutionnel en août 2009 alors que le mandat présidentiel expirait en décembre de la même année, et non la Guinée qui organisera son référendum plus de 12 mois avant la fin du mandat de l’ancien Président Guinéen. »
A la lumière de ce qui précède, que ces va -t- en guerre adoucissent donc leur réquisitoire contre la CEDEAO, au lieu d’inciter le CNRD à entrer dans une confrontation ouverte avec l’organisation sous régionale, aux conséquences imprévisibles, en raison du principe de subsidiarité qui gouverne les relations internationales.
Loin de nous l’idée de faire l’apologie d’une quelconque puissance extérieure ou de recommander un aplatissement devant elle ; le réalisme politique doit nous conduire à n’occulter ni sous-estimer l’indiscutable capacité de nuisance de ce que l’on appelle , aujourd’hui, Communauté internationale.
Ces« protonationalistes’’ ignorent ils, que les Salvador Allendé de Chili, Saddam Hussein d’Irak, Khaddafi de Lybie ont chuté beaucoup plus par les intrigues financées et soutenues par cette Communauté internationale, que par un quelconque rejet de leur pouvoir par les peuples de leur pays respectif ?
Oublient-ils que les difficultés rencontrées sur la voie du développement par le régime castriste à Cuba, celui de Sékou Touré en Guinée, de Maduro au Venezuela, de la République Islamique d’Iran et de bien d’autres régimes politiques, sont en grande partie dues aux machinations initiées, encouragées et financées par ces pays qui pensent qu’ils sont investis de la mission divine de tracer la voie pour le reste du monde ?
Aucune démagogie ni populisme ne devrait donc nous amener à narguer la CEDEAO ou à sous estimer les conséquences néfastes sur la bonne conduite de la transition, d’un éventuel bras de fer avec l’organisation sous régionale.
Nul doute que ce jeune Colonel Président, qui a surpris et continue de surprendre les Guinéens par l’intelligence, la sagesse et la qualité des actes qu’il a jusque là posés, n’écoutera point la liturgie de ceux-là qui tiennent absolument à l’oindre de leur fameuse « huile messianique’’.
L’histoire récente de notre pays est suffisamment instructive.
Où sont donc ceux-là qui qualifiaient le Capitaine Dadis de« Moïse’’ et dont certains ne juraient que par « Dadis ou la mort’’ ?
QU’auront-ils fait pour le protéger ou pour le ramener au pays ?
Qui parmi eux a suivi le Capitaine dans son long exil ouagalais ?
Où sont ils également, ceux qui clamaient et proclamaient, hier, que le Professeur Alpha Condé était un véritable« don de Dieu’’,et dont certains avaient promis de creuser leur propre tombe à côté de la sienne, s’il venait à être rappelé par le Tout Puissant Allah ?
Tous, ou presque. font ou auront fait profil bas, dans l’espoir de préserver les privilèges acquis sous le régime du PRAC !
Le Président du CNRD qui n’aura pas attendu son sacrement comme « messie’’ pour entreprendre son audacieuse et victorieuse opération du 5 septembre 2021, serait bien inspiré en comprenant que la réussite d’une transition consensuelle et apaisée est tributaire d’un dialogue fécond et sincère, entre le CNRD et les autres intervenants que sont, la communauté nationale et internationale.
En leur temps, de jeunes officiers comme ATT du Mali, Jerry Rawlings du Ghana, Julius Mada Bio de Sierra Leone, ont pu revenir avec bonheur dans le jeu politique, après une transition réussie, autrement dit une transition consensuelle.
« Laye Mady » pourrait lui aussi bien être l’homme qui relèvera le défi guinéen !
Que Dieu guide ses pas dans cette noble et exaltante mission patriotique !
Dr Sidiki Cissé