Le dimanche 5 septembre 2021 et les jours qui ont suivi, le CNRD a justifié le renversement du Président Alpha Condé par, entre autres raisons, le pillage des ressources publiques par la classe dirigeante du pays. La junte militaire s’est engagée en même temps à lutter contre ce fléau. C’est sans doute pour cette raison que la Cour de répression des infractions économiques et financières a été créée.
La création de la CRIEF, juridiction spéciale, est donc l’expression d’une volonté politique, celle de rompre avec des décennies d’impunité pour les fossoyeurs de l’économie nationale souvent appelés « bandits à col blanc » et de moraliser la gestion de la chose publique.
Beaucoup d’observateurs parmi lesquels des juristes s’interrogent sur l’opportunité de la création d’une nouvelle juridiction dans la mesure où il existe d’autres juridictions à même d’exercer les attributions dévolues à la CRIEF. C’est une question pertinente, d’autant plus qu’il existe également une législation assez fournie sur les infractions économiques et financières : le Code pénal, la loi sur le blanchissement de capitaux, la loi anti-corruption.
Mais il est important de relever que les infractions économiques et financières sont parfois complexes et technique et leur traitement requiert des compétences particulières. Il faut manquer d’humilité pour ne pas le reconnaître.
Malheureusement, les juridictions de droit commun ne disposent pas de ressources humaines suffisantes pour y faire face, surtout quand il s’agit d’affaires mettant en jeu des montants considérables. De ce point de vue, la création d’une juridiction spéciale composée de magistrats qui vont devoir se spécialiser de plus en plus, se justifie.
La procédure devant la CRIEF respecte l’essentiel des grands principes comme celui du double degré de juridiction (chambre de jugement et chambre des appels), séparation des fonctions de poursuites, d’instruction et de jugement, droit à l’assistance d’un avocat. On peut y ajouter le principe de la présomption d’innocence sous réserve qu’en matière d’enrichissement illicite notamment, il appartient à la personne poursuivie de justifier l’origine licite de ses biens et non au procureur d’en prouver l’origine délictueuse.
Cela dit, la création d’une juridiction ou d’une institution est une chose, son fonctionnement efficient en est une autre. Le Président de la Transition et le CNRD devraient mettre à la disposition de la CRIEF, après la nomination de magistrats qualifiés, intègres, courageux et très engagés, les moyens adéquats pour accomplir sa mission.
Le courage des magistrats qui composeront la CRIEF sera d’autant plus nécessaire que leur indépendance sera mise à rude épreuve tant par les milieux financiers que par certains dirigeants qui pourraient être tentés de l’assujettir.
Me Mohamed Traoré/Ancien Bâtonnier