Vous êtes unes des victimes de la répression du 28 septembre 2009. Dites-nous ce qui s’est passé ce jour au stade ?
Ce qui s’est passé au stade du 28 septembre était catastrophique, digne d’un film d’horreur. Quand on partait, on n’avait pas imaginé que nous serions victimes de nos propres dirigeants. On n’avait aucune intention de faire du mal à quelqu’un. On voulait juste que la junte libère la voie pour qu’on ait une démocratie. Mais une fois que sommes arrivés au stade, ça a tourné au cauchemar. On a vu des militaires qui frappaient, qui violaient, qui tiraient à bout portant sur des Guinéens.
Qu’est-ce qui vous est arrivé à vous exactement, le 28 septembre 2009 ?
Moi je fais partie des femmes qui ont été battues et violées par l’armée. Ce n’est pas facile pour moi d’en parler. Car quand tu es touché par une personne que tu ne connais pas, cela fait très mal. J’ai perdu un frère dans ce stade, c’était très difficile pour moi.
Comment êtes-vous sortie du stade ce jour ?
C’est la Croix rouge qui m’a sortie de là. J’ai été évacué à Donka. Ma cousine qui y travaillait m’a cachée et m’a confiée à un médecin pour ma prise en charge. A l’époque, la directrice de l’hôpital niait la présence des victimes. Le lendemain, le ministre de la Santé de l’époque est venu et des médecins nous ont cachés, parce qu’il frappait les victimes trouvées sur place. Il disait qu’ils allaient nous montrer que les militaires et les civils ne sont pas égaux.
Douze ans après, vous supportez mieux ?
Ce sont des choses qu’on ne peut jamais oublier. On vit avec. On fait semblant d’oublier, mais c’est impossible.
Après le drame du stade, comment avez-vous été accueillie en famille ?
A l’époque, j’étais étudiante en 2ème année de l’université. Mes parents ne savaient pas que j’avais été violée. Seuls mes frères le savaient, parce qu’eux aussi étaient aussi au stade du 28 septembre. Deux jours après les événements, j’ai décidé de faire partie de l’équipe de recensement des victimes pour éviter de rester enfermée dans ma chambre et d’avoir à repenser à ce que j’avais vécu. Avec ces personnes, nous avons créé un bureau(AVIPA) où on échangeait ; et c’est là que j’ai pu en parler, mais jamais avec mes parents.
Depuis le 5 septembre dernier, le pays est dirigé par le CNRD. Que ressentez- vous ?
Quand Alpha Condé a été renversé, j’ai été dans la rue pour manifester ma joie, mais ça n’a pas duré. Je me suis souvenue que c’était une junte qui nous a fait subir des atrocités en 2009. J’ai donc peur que l’histoire ne se répète.
Qu’attendez-vous du CNRD ?
Qu’ils ne fassent pas comme les autres. Quand j’ai vu les images du colonel Doumbouya au cimetière de Bambeto, ça m’a donné de l’espoir. Mais il ne doit pas oublier qu’avant les victimes de Bambeto, il y a eu celles du 28 septembre et bien d’autres. Pour faire une véritable justice, il faut commencer par le début. S’il ne le fait pas, nous dirons qu’il n’a pas respecté sa parole.
Nous voulons savoir ceux qui nous ont fait du tort. Nous voulons leur demander pourquoi ils ont tué les nôtres. Nous n’étions pas armés. Je faisais partie du comité d’organisation, nous avons exigé que les manifestants ne viennent avec aucun objet, pas de cailloux, ni de couteau. Alors, pourquoi ils nous ont violées, frappés et tués ? Nous voulons savoir pourquoi ? Mais à qui demander ?
- Propos recueillis par Asmaou Diallo
Par Ledjely.com