🔴Une semaine après la chute d’Alpha CONDÉ un de ses anciens garde revient sur l’événement « Comment le Palais Sékoutoureya a été attaqué… »
Que s’est-il réellement passé au Palais Sékoutoureya le 5 septembre 2021 ? Comment les Forces Spéciales ont réussi à « capturer » Alpha Condé, l’homme qui était jusqu’à ce jour le plus gardé de la Guinée ? Un des rescapés des affrontements entre le Groupement des Forces Spéciales et les éléments de la garde présidentielle a accepté de se confier à Africaguinee.com.
Des révélations sur les circonstances de l’attaque, mais également sur la stratégie utilisée par les forces spéciales, M.M (Il a souhaité garder l’anonymat), nous dit tout…Exclusivité
▪︎Vous étiez dans l’enceinte du Palais Sékoutoureya lorsque les premiers coups de feu ont commencé à retentir le dimanche 5 septembre dernier. Pouvez-vous nous dire ce qui s’est réellement passé ?
M.M. Rescapé : En réalité, on s’interroge encore sur comment ils (les forces spéciales, NDLR) se sont introduits à la Présidence. Nous qui étions de garde, à l’intérieur du palais, on s’interroge encore. Ils se sont retrouvés dedans sans qu’il n’y ait le moindre combat au dehors, dans la nuit entre 2h et 4 h du matin. De la façon dont les choses se sont passées, on a eu l’impression qu’ils étaient installés dans le Palais. Parce que les caméras de surveillance n’ont montré personne, aucun mouvement, à partir de là où j’étais installé. Je précise qu’aucun mouvement n’est permis sur la ceinture du Palais. Tout ça pour éviter que quelqu’un s’y approche. Ensuite aucun véhicule n’a été aperçu dans les parages cette nuit-là. D’ailleurs, il y a des gardes qui sont postés partout. Mais il faut voir une chose pour résister ou tirer. Tous les compartiments du bâtiment qu’ils ont traversés pour se retrouver à l’étage, aucune trace ou mouvement n’a été détecté. Et quand ils ont commencé à agir il n’y avait aucun moyen de résistance tellement qu’ils étaient prêts et rapides. Je ne sais pas s’il y aura quelqu’un parmi nous qui pourra expliquer comment ces gens se sont retrouvés dans le bâtiment sans aucun bruit. Peut-être, eux pourront le faire un jour. Aucun tir n’a été entendu de 2 heures au petit matin. Pourtant des balles nous ont touchés.
Pourtant les tirs ont été entendus à Kaloum et dans plusieurs quartiers environnants…
En fait, je vous dis que l’attaque réelle a eu lieu entre 2h et 4 heures à l’intérieur du palais. Ils ont réussi à neutraliser tout le monde dedans en toute sérénité. Les tirs entendus, c’était le matin, il était déjà 7h ou 8h. Il faisait jour déjà. Quand des tirs ont été entendus autour du palais, ils avaient déjà terminé. Il a fallu le matin pour que nos collègues qui n’étaient pas de service se rendent compte que le Palais a été attaqué. Ils avaient pris position partout. C’est comme s’ils ont commencé par l’intérieur du palais pour terminer dehors, dans la cour jusqu’aux sentinelles. Ceux qui avaient pris position dans le bâtiment ils n’étaient pas nombreux. Leur opération ne s’est pas faite du bas vers le haut mais du haut vers le bas. Pourtant chacun était à son poste. Ce qui sous-entend qu’ils ont réussi à se confondre entre nous gardes civiles et militaires à un moment. Moi par exemple j’étais dans le grand salon à la rentrée principale. C’est par là que les gens passent pour entrer, si en tout cas ils viennent de l’extérieur. Les autres accès, c’est pour le personnel interne. De là où j’étais, l’ennemi est venu par derrière ils ont neutralisé de l’étage au rez-de-chaussée où j’étais. Ensuite les positions dans la cour. On se demande par quel miracle ils se sont retrouvés de dedans.
Avant qu’ils n’arrivent à votre niveau, vous n’avez pas entendu des bruits ou des cris derrière vous ou quelque part dans le bâtiment qui auraient pu vous poussez à vérifier ?
Aucun bruit, en fait si vous êtes de garde, on vous confie un périmètre à surveiller. J’ai juste senti quelque chose de chaud sur l’un de mes bras, le temps de vérifier de quoi il s’agit, c’est mon épaule qui est encore touchée ensuite à la jambe. Je tente de me lever, impossible je retombe par terre. J’entends quelqu’un dire derrière moi : la voie est libre obstacle écarté, la voix est libre. Je n’avais pas mon arme en main, elle était posée à côté. Je fais l’inconscient en essayant de prendre une position pour regarder le mouvement. J’ai aperçu une dizaine d’hommes monter et descendre les escaliers, j’ai vu un homme inconscient couché sur les marches aussi. Un homme est venu vers moi ramasser mon arme. Je ne savais pas qu’ils avaient fini leur opération en haut.
Il y avait combien de gardes au palais la nuit de l’attaque ?
Je ne peux pas le savoir, parce que chacun ne gère que son couloir, le reste tu ne peux pas savoir. Nous-mêmes, il nous est interdit de bouger sans autorisation préalable. Nous sommes restés dans cette position jusqu’au petit matin. Je ne pouvais pas imaginer que beaucoup de nos collègues ont été tués parce que les choses sont arrivées au moment où personne ne l’attendait. Il n’y a pas eu une alerte aussi. Habituellement, à certains moments, on nous met en alerte. Quand les services de renseignement remontent des informations. Ça n’a pas été le cas cette fois. C’est le matin que les assaillants ont fait descendre des collègues blessés pour leur dire d’utiliser leurs téléphones pour joindre les gardes restés à la maison et certains de nos responsables et leur dire qu’il y a une réunion de venir. Ils ont dit dire directement à d’autres qu’il y a eu attaque. Avant que ceux-là n’arrivent, ceux qui ont reçu l’information qu’il y a eu une attaque au palais, avant de venir, ont appelé des renforts. En fait, nos renforts directs en cas de situation difficile, ce sont les forces spéciales. D’ailleurs c’est le dernier recours.
Finalement, les renforts qu’on a appelés ont en quelque sorte foncé droit dans la gueule du loup. Ils ne savaient pas que ceux qui nous ont attaqués ont passé la nuit avec nous. Les assaillants sont venus avec toute leur artillerie y compris des véhicules blindés, pour ceinturer le palais et tout Kaloum. Les quelques agents de la présidence qui sont restés dehors, en les voyant ont pensé qu’ils sont sauvés. Ils ont cru à l’arrivée des renforts. Mais ce sont les mêmes qui ont neutralisé le reste de la garde et barrer les voies des camps Samory et Makambo qui sont à quelques minutes de voiture du Palais. C’est avec l’arrivée de ces gens que les crépitements de balles ont commencé. Entre temps nos amis appelés au téléphone sont venus entrer droit dans la gueule du loup. Ils ont été neutralisés à leur tour.
Vous avez joué au mort pour suivre la scène dans le bâtiment. Comment vous vous êtes rendu compte de ce qui se passait au dehors avec l’arrivée de la colonne de véhicules blindés des forces spéciales ?
J’ai capté les explications des hommes qui étaient déjà avec nous dans le bâtiment. Ils savouraient déjà leur victoire d’avoir brouillé toutes les pistes après l’attaque. Ils se disaient avec d’autres au téléphone que la situation est sous contrôle. C’est comme s’ils rassuraient une hiérarchie que les forces spéciales ont pris le dessus sur l’ennemi. Entre temps des hommes armés jusqu’aux dents sont entrés au Palais, ils ont adressé des félicitations à ceux qui étaient là. Ces derniers les ont informés que les autres sont en haut avec le colis (Le président, Ndlr).
Quand les véhicules sont arrivés dehors on s’est rendus compte avec les tirs, comme il n’y avait plus d’obstacles. Certains hommes armés jusqu’aux dents qui étaient de la troupe arrivée, sont entrés dans le bâtiment pour féliciter l’équipe de la nuit qui a fait le travail. Dans leurs explications entre eux, j’ai compris le coup monté. Après le travail à l’interne, les autres devraient venir en guise de renfort. Mais c’était un renfort de façade juste pour faire aboutir leur mission. C’est là que je me suis rendu compte que ceux qui sont venus sont les commanditaires de la mission. J’ai capté ça de leur entretien quand ils savouraient leur réussite. Ceux de l’intérieur ont aussi expliqué que ceux qui avaient des armes en main sont éliminés et que les autres qui ne détenaient pas d’armes ont juste été neutralisés C’est là aussi que j’ai compris pourquoi je n’ai pas été tué sur place.
Quand ils ont parlé de colis, vous aviez déchiffré ce code pour savoir qu’il désignait le Président Alpha Condé renversé ?
Non ! Non !
Vous aviez vu le Président Alpha Condé avant l’attaque ?
Non ! Je suis loin de la garde rapprochée. Je ne le vois pas souvent à part à certaines occasions de rencontre ou de sortie. Donc le dernier samedi je ne l’ai pas vu. Nous, c’est la sécurité du bâtiment qui nous incombe, ce n’est pas la personne du président. Je n’ai pas le droit de monter, mon travail c’est en bas.
Vous aviez reconnu certains parmi eux les assaillants du Palais ?
Je n’ai pas reconnu quelqu’un, ils étaient tous encagoulés, ils n’ont pas duré aussi, ils ont vite ramassé les corps pour les envoyer je ne sais où. Nous les blessés, on a été envoyés en au camp Samory pour les soins. Dans le véhicule qui m’a transporté, nous étions juste 4 blessés pour un début. Là où nous étions admis quelques temps après, ils ont envoyé d’autres blessés. J’ai reconnu certains visages de nos amis qui n’étaient pas du service ce jour mais qui sont venus suite aux appels téléphoniques. Certains n’ont pas pu supporter, ils sont morts. Leurs corps ont été envoyés ailleurs. Comme ça débordait, ils nous ont dit que chacun pouvait partir aussi là où il veut pour ses soins. C’est comme ça que j’ai quitté avec l’appui d’un ami pour la clinique où je suis actuellement.
Avez-vous été témoin de l’exfiltration du président Alpha Condé du Palais Sékoutoureya ?
Là je n’ai pas vu, j’ai suivi ça sur les réseaux sociaux mercredi à travers le téléphone d’un proche qui était venu me rendre visite à l’hôpital. Je ne sais pas si le président a quitté le palais avant nous ou si c’est nous qui sommes partis en premier.
Savez-vous combien de morts il y a eu en tout lors de ces affrontements ?
Il n’y a pas eu affrontements dedans. C’est une équipe très forte qui est venue neutraliser une autre moins forte. Une légère résistance a eu lieu dehors quand certains de nos amis sont venus, il était déjà 10Heures. Certains ont pris des balles, leurs corps ont été ramassés vers les impôts selon ce qu’on m’a soufflé à l’oreille, d’autres ont pris la fuite parce que l’ennemi avait l’avantage d’avoir occupé toutes les positions stratégiques avant. Sur le nombre de morts, je ne sais pas pour le moment. Chacun avance des chiffres de son côté. Ce n’est pas facile de savoir, parce que certains sont morts sur place, d’autres ont succombé de leurs blessures. Tout ça complique le décompte.
Et du côté du Groupement des Forces Spéciales, il y a eu combien de victimes ?
De façon officielle non. J’ai appris qu’il y aurait eu un mort de leur côté, vrai ou faux je ne sais pas. Ou s’il y a plus, je ne sais rien.
Entretien réalisé par Africaguinee.com