La poterie est une activité socioprofessionnelle très répandue au Fouta Djallon et dans cette caste, la répartition du travail est une réalité. Des hommes qui s’emploient à identifier la meilleure qualité d’argile à façonner et des femmes qui montrent leur dextérité à travers toutes sortes de productions.
Dans l’environnement des potiers au Fouta Djallon, le mariage n’est envisageable qu’entre gens issus de la communauté.
La poterie : un artisanat des plus utilitaires
Les produits de la poterie sont divers et variés et surtout très utilitaires dans les domaines culinaires et de l’entretien de l’intérieur des maisons.
Au plan culinaire, les couscoussières faites par les potiers servent à cuire à la vapeur le fonio ou à préparer le couscous de maïs. Les cruches servent à conserver et à rafraichir l’eau de boisson, certaines poteries servent à préparer des bains occultes et les bols faits d’argile permettent de mieux conserver certains mets préparés.
Au plan de l’entretien d’intérieur, les potiers fabriquent aussi des encensoirs servant à vaporiser de l’encens par fumigation, dans le but de parfumer les habitations.
Une catégorie socioprofessionnelle vierge de tout métissage
Au Fouta Djallon, il est répandu l’idée que toute personne qui convolerait avec un potier mourra dans d’atroces souffrances. Sauf que peu de gens en connaissent le motif, même si personne ne veut braver les interdits.
A ce propos, une vieille chronique locale rapporte qu’aux premières heures de l’islamisation, après le premier congrès constitutif du royaume peuhl du Fouta Djallon, chaque chef de province a reçu l’instruction d’islamiser les païens de son ressort, et à Labé, Karamoko Alfa, le chef d’alors qui ne voulait employer la force qu’en dernier recours, avait pour sa part choisi en priorité la voie pacifique.
Visant la conversion d’un chef Djallonké du groupe des potiers, le maitre de Labé s’est enquis de ce qu’il devrait faire pour éviter un sang versé. Le chef concerné aurait promis d’embrasser l’islam à condition que « ses femmes » lui soient laissées, chose dont il a obtenu la garantie du maître de Labé, qui devait désormais trouver l’astuce pour décourager les potentiels transgresseurs à éviter tout contact d’avec les potières.
Un pacte « diplomatique » lourd de conséquences
En son temps, le pacte avait permis d’éviter, certes, un sang versé, et permis à deux communautés divisées par leurs choix cultuels de vivre en harmonie dans une cohabitation sans nuage. Mais ce pacte s’est mu en stigmatisation dans le monde dit civilisé d’aujourd’hui, car dans la mauvaise connaissance du pacte et dans l’esprit de la rumeur qui a été répandue, les potiers sont considérés comme une caste d’intouchables qui ne doit pas se mélanger aux autres, les obligeant à une sorte d’autarcie et de repli sur eux. Chose qui explique amplement leur choix de vivre sur les flancs des montagnes à l’abri de tout et de tout le monde, se mariant entre eux dans le secret et le génie créateur reçus de leurs aïeux au passage.
Ousmane Tkilah Tounkara