Après d’âpres tractations qui ont duré environ trois ans, l’opération de rachat de la Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de Guinée (BICIGUI), par Lilium Capital, un fonds d’investissement américain, à travers sa filiale Vista Bank, s’est avérée enfin concluante, à la satisfaction des parties. La législation américaine très sourcilleuse sur ce genre de montages financiers, ayant fini par avaliser l’opération.
Le gouvernement guinéen a de quoi se frotter les mains, quand on sait qu’il s’en tire à bon compte, dans ce rachat acté le 16 juillet dernier. D’autant que cette cession pourrait permettre de renflouer davantage cette institution bancaire et sauver les emplois des locaux. Dans un pays où le travail est une denrée rare, avec comme corolaire ces vagues de diplômés qui viennent gonfler tous les ans, le nombre de sans-emplois.
L’enquête nous apprend que l’affaire est désormais dans le cas, en ce qui concerne le rachat de la BICIGUI par Lilium Capital, par le truchement de sa filiale Vista Bank, déjà présente dans l’environnement bancaire guinéen…
L’opération de rachat des 55,3% de la participation de la BNP Paribas dans le capital social de la Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de Guinée (BICIGUI), entamée suite au retrait stratégique de la BNP annoncé vers le second trimestre de 2018, vient d’être conclue à Conakry à travers le closing du 16 juillet 2021.
Dites-nous pourquoi ce processus de rachat a autant trainé. Et quel rôle Afreximbank joue dans le montage financier ?
C’est le lieu de dire que Lilium Capital à travers sa filiale Vista Bank et son partenaire Afreximbank ont plusieurs fois reporté la clôture de ce transfert pour des raisons, selon des sources internes au système bancaire guinéen, de conformité requise par Afreximbank qui est supposée être financière de la transaction. C’est donc Afreximbank qui doit libérer les fonds destinés à financer cette opération.
Ces exigences, à en croire votre enquête, concernaient le retrait des sociétés Proparco et UGAR à leurs participations au capital de la BICIGUI. Éclairer-nous sur ce point ?
Dans cette conformité requise, certaines exigences concernaient selon toujours nos sources, les sociétés Proparco et UGAR qui devaient expressément renoncer, en tant que coactionnaires, à leur droit de préemption sur ces actions en cours de cession. Et une autre exigence était que le repreneur, donc Lilium Capital exhortait le gouvernement guinéen à l’exonération totale et définitive du paiement des taxes liées à la transaction entre les sociétés du groupe Lilium Capital et la BNP Paribas.
A votre avis est-ce que l’Etat guinéen déjà à court de ressources, pourrait accéder à cette requête ?
Une sollicitation fiscale qu’une source bancaire juge peu faisable, en tenant compte de l’engagement du gouvernement guinéen, en vue d’une mobilisation accrue des ressources internes pour financer son déficit budgétaire.
Est-ce qu’il n’y avait que ces aspects, quand on sait que la législation américaine est très sourcilleuse pour tout ce qui touche à l’argent ?
Vous avez tout à fait raison. Car des sources bancaires locales ont indiqué que la banque locale de Lilium Capital à savoir Vista bank n’était pas prête à conclure l’opération pour des raisons liées à la législation américaine. Mais c’est désormais chose faite. Car finalement, des sources renseignent qu’après avis favorable de l’avocat américain du groupe Lilium Capital, ce closing tant attendu de cette opération de transfert bancaire a été réalisé à 6h du matin le vendredi 16 juillet 2021, dans les locaux d’un complexe hôtelier de Kaloum.
On a l’impression que les Burkinabè qui deviennent les propriétaires de la BICIGUI étaient plutôt trop pressés pour conclure ce rachat ?
Sans volonté de confusion rappelons que dans le cadre de cette cession des actifs du Groupe BNP Paribas, la BICIAB (Banque internationale pour le Commerce et l’Agriculture du Burkina Faso), l’autre filiale du groupe Lilium Capital avait quant à elle, programmé, sans succès, plusieurs closings entre la BNP et les sociétés du groupe Lilium (BICIAB et VISTA) dont l’avant dernier datait du 24 juin 2021.
On a bien l’impression que les syndicats approuvent ce rachat de la BICIGUI par Vista Bank. Car ne dit mot consent ?
On peut le dire ainsi. En effet, selon une source syndicale, cette reprise de la BICIGUI par Vista Bank la filiale locale de Lilium Capital et son prochain changement pour devenir BICIGUI GROUPE VISTA ne représentent, à l’immédiat, aucun risque de mise en chômage, car il ne serait pas à craindre avant une éventuelle imbrication (fusion)entre les deux Banques que des agences du label bancaire BICIGUI soient fermées au profit de celles de la Vista Bank, désormais maître des lieux. Cette fusion en perspective qui aboutira à l’adoption d’une nouvelle dénomination est attendue dans les deux prochaines années.
Vous nous apprenez également que le paiement de la prime de séparation en faveur des travailleurs, estimés à plus de 300 ne poserait pas problème ?
Si les travailleurs de la BICIGUI s’attendaient au paiement de la prime de séparation au lendemain de ce closing (conformément à l’accord signé avec Lilium Capital au détriment de la Banque Atlantique qui semble-t-il avait soumis la meilleure offre), une source indique que depuis le 21 juillet 2021, la BNP a entamé le paiement de la prime de séparation de ses anciens employés, estimés pour les uns à 322 et à 350 pour les autres.
C’est sans doute pour rendre public ce rachat que M. Simon Tiemtoré, Président et PDG de Lilium Capital est attendu ce 28 juillet à Conakry. L’occasion sera sans doute opportune pour éclairer l’opinion sur les perspectives à court et moyen termes de Vista Bank en Guinée ?
Pour mieux cerner les contours d’une telle cession, il est désormais plus prudent d’attendre la déclaration prévue à Conakry le 28 juillet, de M. Simon Tiemtoré soi-même Président et PDG de Lilium Capital.
Peut-on dire que cette opération ne serait pas rendue possible sans la signature par la Guinée de l’Accord portant création du Fonds pour le développement des exportations en Afrique (FEDA) ?
Cela a permis tout de même de faciliter l’opération. Il faut rappeler c’est que le 17 mai 2021 la direction de Afreximbank, sponsor du rachat de la BICIGUI, a annoncé la signature par la Guinée de l’Accord portant création du Fonds pour le développement des exportations en Afrique (FEDA), sa filiale orientée vers l’impact sur le développement.
Cet accord a été paraphé par le chef de la Diplomatie guinéenne, n’est-ce pas Akoumba ?
Oui, l’accord a été paraphé le 31 mars 2021 par le Ministre Guinéen des Affaires étrangères, M. Ibrahima Khalil Kaba.
Quels sont les avantages de cette signature pour la Guinée ?
La Guinée devient ainsi le 3ème signataire de l’Accord de création après le Rwanda en novembre 2020 et la Mauritanie en janvier 2021. Pour finaliser le processus de création juridique du FEDA, deux États membres d’Afreximbank doivent signer et ratifier l’accord.
Selon le Professeur Benedict Oramah, Président d’Afreximbank et Président du Conseil d’administration du FEDA, la signature de l’accord par la Guinée est une étape très importante dans la mesure où elle accélère l’achèvement des procédures de création juridique du FEDA.
L’Accord de création confère au FEDA la capacité juridique de mener ses activités en son propre nom en tant qu’organisation internationale disposant des privilèges et immunités accordés aux autres institutions financières multilatérales du continent [1].
Akoumba Diallo