L’INOPPORTUNITÉ DE L’AUGMENTATION DU PRIX DU CARBURANT
– Le prix de revient du litre d’essence à la pompe, après avoir rémunéré tous les intervenants, serait actuellement de 6.634 FG, à savoir :
– le fournisseur étranger (prix CIF) pour l’équivalent de 5.128 FG,
– les frais de passage à la SGP pour 100 FG
– la péréquation-transport pour 550 FG
– les importateurs pour 555 FG
– les distributeurs (stations) pour 300 FG
Le total des prélèvements de l’État et de ses démembrements est de 2.366 FG par litre d’essence et se décompose comme suit :
– Droits de douane : 687 FG
– Autres taxes et droits prélevés : 1.643FG
– ONAP : 20FG
– Prévisions pour délocalisations du dépôt : 17 FG
Au vu de ces chiffres, on se rend compte que les prélèvements de l’État, bien qu’inférieurs aux prévisions, c’est-à-dire aux montants budgétisés, atteignent 2.366 FG soit 26% du prix du litre à la pompe.
Ce qui signifie que CHAQUE CONSOMMATEUR, EN ACHETANT UN LITRE D’ESSENCE, PAYE À L’ÉTAT 2.366 FG D’IMPÔTS ET TAXES DIVERS.
Et lorsqu’on nous dit que l’État subventionne le carburant, on se demande vraiment par quelle sorcellerie il le fait ?
POURQUOI L’AUGMENTATION DU PRIX DES PRODUITS PÉTROLIERS EST INOPPORTUNE ?
– Premièrement, nous abordons la période de soudure. Une période pendant laquelle les greniers sont vides. Les récoltes sont attendues pour Octobre- Novembre. D’ici là, le déficit céréalier est couvert par les importations de riz. Augmenter le prix du carburant, c’est augmenter le prix du transport qui a un impact direct sur le prix des denrées de première nécessité.
– En effet, le coût du transport est déjà trop élevé en raison de la forte dégradation des infrastructures routières. A titre d’exemple, le transport d’une tonne de riz :
– de Conakry à Siguiri est passé de 450.000 FG à 600.000 FG ;
– de Conakry à Beyla, de 550.000 FG à 650.000 FG,
– de Conakry à Télimélé de 300.000 FG à 450.000 FG.
En augmentant le prix du carburant, même si les denrées de première nécessité comme le riz sont disponibles, elles ne seront pas accessibles à l’écrasante majorité des Guinéens dont les revenus se sont fortement contractés ces derniers temps en raison de la pandémie et de l’inflation.
La plupart des arguments développés par le gouvernement ne sont pas pertinents.
C’est le cas lorsqu’on dit que si le prix du pétrole est bas chez nous, il y a un risque de réexportation vers les pays voisins et que de telles pratiques sont préjudiciables à notre économie dans la mesure où elles épuisent nos réserves de changes et protègent celles des pays voisins.
Il faut savoir que l’essence réexportée aura déjà payé 2.366 FG de taxes au trésor public guinéen au détriment du pays destinataire de la réexportation. Mais pour acquérir ce carburant réexporté, les résidents de ces pays sont obligés, in fine, de payer en devises le carburant qu’ils importent de la Guinée. Et ces devises alimentent le marché guinéen des changes ou financent directement l’importation de biens et services en provenance de ces pays voisins.
L’effet de cette réexportation sur nos réserves de changes et donc sur notre balance de paiements est nul. Par contre, pour nos finances publiques, il serait plutôt positif dans la mesure où les résidents des pays voisins, au lieu de consommer du carburant taxé par leur propre fisc, consomment du carburant taxé en Guinée.
Le fait de n’avoir pas pu appliquer le principe de la flexibilité des prix à la pompe lorsque les cours mondiaux étaient bas, a donné l’opportunité à l’État d’accumuler des plus-values. Les moins-values actuelles devraient être financées par ces plus-values. Dans tous les cas, c’est mal indiqué de revenir à la flexibilité en période de soudure et pendant une double crise sanitaire et économique qui a fortement rétréci les revenus et le pouvoir d’achat des pauvres populations.
Cellou Dalein DIALLO